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Extrait

Jean-Paul Fitoussi défend l'euro

J.-P. Fitoussi, Le Débat interdit
Le privilège de battre monnaie est un droit régalien auquel furent attachés tous les régimes en France quels que soient leurs caractères, autoritaire ou démocratique, monarchique ou républicain. Au début des années 2000, la construction européenne aboutit à la création d'une monnaie commune, l'euro. Certains hommes politiques, de droite comme de gauche, voient dans la disparition du franc une perte intolérable d'indépendance nationale. L'économiste Jean-Paul Fitoussi leur répond en défendant la monnaie unique comme un élément de souveraineté à part entière.

Chacun est sincèrement attaché à la souveraineté de la France. Certains expriment d'ailleurs la crainte d'un affaiblissement de cette souveraineté. Mais les motifs qui nourrissent cette crainte me semblent peu fondés. L'Union monétaire européenne, en effet, est, pour de nombreux pays européens, y compris la France, le moyen de récupérer, et au-delà, une souveraineté perdue. Mieux vaut copiloter un navire libre de son chemin qu'être seul à la barre d'un navire téléguidé par d'autres. La monnaie unique, en effet, offre la possibilité d'équilibrer les pouvoirs monétaires en Europe, de remettre en perspective les rapports entre l'Allemagne et le reste de l'Europe, dans un sens qui nous soit plus favorable. Et cela, à l'inverse de ce que pensent et répètent ses adversaires (…) Ce serait le premier pas dans la direction d'une Europe "européenne", au sens où elle ne serait plus dominée par l'Allemagne. Celle-ci ne disposerait plus que d'une voix, parmi d'autres, dans la définition de la politique monétaire de l'Europe, alors qu'elle dispose aujourd'hui des pleins pouvoirs.

J.-P. Fitoussi, Le Débat interdit, Paris : Arléa, 1995.
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