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Extrait

La contemplation ou la traversée des apparences
Livre III, XXX, iii

Victor Hugo, Les Contemplations, 1856
Texte intégral : Paris, Ed. Michel Levy, 1856
Dans un long discours adressé par le sujet lyrique à sa fille, le poème qui clôt le premier tome des Contemplations livre une réflexion sur l’acte même de contempler. C’est ici la figure symbolique du « berger », ou « pâtre », qui incarne le contemplateur visionnaire, celui dont le regard perce les apparences pour atteindre la vérité du monde.

MAGNITUDO PARVI

[…] Lui, ce berger, ce passant frêle,
Ce pauvre gardeur de bétail
Que la cathédrale éternelle
Abrite sous son noir portail, […]
 
Il sent, faisant passer le monde
Par sa pensée à chaque instant,
Dans cette obscurité profonde
Son œil devenir éclatant ;
 
Et, dépassant la créature,
Montant toujours, toujours accru,
Il regarde tant la nature,
Que la nature a disparu !
 
Car, des effets allant aux causes,
L’œil perce et franchit le miroir,
Enfant ; et contempler les choses,
C’est finir par ne plus les voir.
 
La matière tombe détruite
Devant l’esprit aux yeux de lynx ;
Voir, c’est rejeter ; la poursuite
De l’énigme est l’oubli du sphinx.
 
Il ne voit plus le ver qui rampe,
La feuille morte, émue au vent,
Le pré, la source où l’oiseau trempe
Son petit pied rose en buvant ; […]
 
Ni les mondes, esquifs sans voiles,
Ni, dans le grand ciel sans milieu,
Toute cette cendre d’étoiles ;
Il voit l’astre unique ; il voit Dieu ! […]

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