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Extrait

Une marche vers le progrès

Victor Hugo, La peine de mort, Brouillon de discours, 1848
Dans un discours qu'il n'aura finalement pas l'occasion de prononcer, Hugo, député de la toute jeune Deuxième République, voit dans l’abolition de la peine de mort une marche vers le progrès.

[…]
Ah ! vous n'avez plus la peine de mort pour vous protéger. Ah ! vous avez là devant vous, face à face, l'ignorance et la misère, ces pourvoyeuses de l'échafaud, et vous n'avez plus l'échafaud ! Qu'allez-ous faire ? Pardieu, combattre ! Détruire l'ignorance, détruire la misère ! C'est ce que je veux.

Oui, je veux vous précipiter dans le progrès ! je veux brûler vos vaisseaux pour que vous ne puissiez revenir lâchement en arrière ! Législateurs, économistes, publicistes, criminalistes, je veux vous pousser par les épaules dans les nouveautés fécondes et humaines comme on jette brusquement à l'eau l'enfant auquel on veut apprendre à nager. Vous voilà en pleine humanité, j'en suis fâché, nagez, tirez-vous de là !

Tenez, tous tant que nous sommes, renonçons à la terreur. Depuis six mille ans les sociétés humaines vivent sur la haine, c'est assez ! essayons de l'amour !

Que désormais l'homme du peuple, l'homme pauvre et ignorant, l'homme mal conseillé par son intelligence et par sa destinée, s'il rencontre dans les ténèbres une idée coupable, et s'il ne la rejette pas, et s'il sort de ces ténèbres avec cette idée coupable, voie se dresser devant lui, non la guillotine, mais la fraternité !

Et s'il persiste, et s'il accomplit l'idée criminelle, oh ! alors, qu'il tremble ! la fraternité peut être terrible. Que l'homme de meurtre sache qu'il a tué son frère, qu'il vive réprouvé au milieu de nous, et qu'il s'appelle Caïn !

Victor Hugo, « La Peine de mort », Œuvres complètes de Victor Hugo. Actes et paroles. 1. Avant l’exil 1841-1851, Paris : Albin Michel, 1937, p. 420-421.
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