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Extrait

Des fantômes au visage d’ébène

Herman Melville, Moby Dick, 1851

Les fantômes, car c’est ce qu’ils semblaient être alors, glissèrent légèrement de l’autre côté du pont et, avec une silencieuse promptitude, larguèrent les palans et les coulisseaux de la pirogue qui se balançait là. Cette baleinière avait toujours été considérée comme étant de réserve, bien qu’on l’appelât baleine du capitaine parce qu’elle se trouvait à tribord arrière. Le personnage qui se tenait alors à sa proue était grand et basané, une dent blanche saillait cruellement entre ses lèvres d’acier. Il était funèbrement vêtu d’une veste chinoise de coton noir, froissée, et d’un large pantalon taillé dans la même étoffe sombre. Couronnant étrangement cette figure d’ébène, un turban d’une blancheur éblouissante coiffait sa tête de ses propres cheveux tressés et enroulés plusieurs fois. Ses compagnons, moins bistrés que lui, avaient ce teint haut en couleur, jaune tigre, particulier à quelques aborigènes de Manille, une race célèbre pour sa ruse satanique et tenue par certains braves marins blancs pour être composée de suppôts et d'agents secrets, envoyés sur l'eau par leur seigneur infernal, lequel, croient-ils, a ses assises ailleurs.

Herman Melville, Moby Dick, tr. Henriette Guex-Rolle, Paris :Garnier-Flammarion, 1989, chapitre 48, p. 247-248.
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