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Extrait

El Desdichado

Gérard de Nerval, « Les Chimères », Les Filles du feu, 1854.
Publié le 10 décembre 1853 dans Le Mousquetaire, le sonnet est le texte que la postérité a retenu de Nerval. Il rapporte la descente aux enfers de celui qui a « deux fois vainqueur traversé l’Achéron ». Le récit, entre mythologie personnelle et mythologie collective, dit aussi la crise du lyrisme et de la poésie avec le mythe d’Orphée. Le succès du texte doit beaucoup à la veine onirique qui l’innerve et qui interroge la limite étroite entre déraison et sublime.

Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ? ... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron ;
Modulant tout à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.

Gérard de Nerval, Les Filles du feu : Paris, Giraud, 1854.
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