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Extrait

Tite-Live rapporte la mort et la divinisation de Romulus-Quirinus

Tite-Live, Histoire romaine, livre I, 16

His inmortalibus editis operibus cum ad exercitum recensendum contionem in campo ad Caprae paludem haberet, subito coorta tempestas cum magno fragore tonitribusque tam denso regem operuit nimbo ut conspectum eius contioni abstulerit; nec deinde in terris Romulus fuit. Romana pubes sedato tandem pauore, postquam ex tam turbido die serena et tranquilla lux rediit, ubi uacuam sedem regiam uidit, etsi satis credebat patribus, qui proximi steterant, sublimem raptum procella, tamen uelut orbitatis metu icta maestum aliquamdiu silentium obtinuit. Deinde a paucis initio facto deum deo natum, regem parentemque urbis Romanae saluere uniuersi Romulum iubent; pacem precibus exposcunt, uti uolens propitius suam semper sospitet progeniem. Fuisse credo tum quoque aliquos, qui discerptum regem patrum manibus taciti arguerent; manauit enim haec quoque, sed perobscura fama; illam alteram admiratio uiri et pauor praesens nobilitauit. Et consilio etiam unius hominis addita rei dicitur fides. Namque Proculus Iulius, sollicita ciuitate desiderio regis et infensa patribus, grauis, ut traditur, quamuis magnae rei auctor, in contionem prodit. "Romulus" inquit, "Quirites, parens urbis huius, prima hodierna luce caelo repente delapus se mihi obuium dedit. Cum perfusus horrore uenerabundus adstitissem, petens precibus, ut contra intueri fas esset, "abi, nuntia" inquit "Romanis caelestes ita uelle ut mea Roma caput orbis terrarum sit; proinde rem militarem colant sciantque et ita posteris tradant nullas opes humanas armis Romanis resistere posse". "Haec" inquit "locutus sublimis abiit". Mirum, quantum illi uiro nuntianti haec fidei fuerit quamque desiderium Romuli apud plebem exercitumque facta fide inmortalitatis lenitum sit. 

Après ces immortels travaux, et un jour qu'il assistait à une assemblée, dans un lieu voisin du marais de la Chèvre, pour procéder au recensement de l'armée, survint tout à coup un orage, accompagné d'éclats de tonnerre, et le roi, enveloppé d'une vapeur épaisse, fut soustrait à tous les regards. Depuis, il ne reparut plus sur la terre. Quand l'effroi fut calmé, quand à l'obscurité profonde eut succédé un jour tranquille et pur, le peuple romain, voyant la place de Romulus inoccupée, semblait peu éloigné de croire au témoignage des sénateurs, lesquels, demeurés près du roi, affirmaient que, pendant l'orage, il avait été enlevé au ciel. Cependant, comme si l'idée d'être à jamais privé de son roi l'eût frappé de terreur, il resta quelque temps dans un morne silence. Enfin, entraînés par l'exemple de quelques-uns, tous, par acclamations unanimes, saluent Romulus, dieu, fils de dieu, roi et père de la ville romaine. Ils lui demandent ; ils le conjurent de jeter toujours un regard propice sur sa postérité. Je suppose qu'il ne manqua pas alors de gens qui accusèrent tout bas les sénateurs d'avoir déchiré Romulus de leurs propres mains ; le bruit même s'en répandit, mais n'acquit jamais beaucoup de consistance. Cependant l'admiration qu'il inspirait, et la terreur du moment, ont consacré le merveilleux de la première tradition. On ajoute que la révélation d'un citoyen vint fortifier encore cette croyance. Tandis que Rome inquiète déplorait la mort de son roi, et laissait percer sa haine contre les sénateurs, Proculus Julius, autorité grave, dit-on, même à propos d'un fait aussi extraordinaire, s'avança au milieu de l'assemblée, et dit :

« Romains, le père de cette ville, Romulus,descendu tout à coup des cieux, m'est apparu ce matin au lever du jour. Frappé de terreur et de respect, je restais immobile, tâchant d'obtenir de lui, par mes prières, qu'il me permît de contempler son visage : "Va, dit-il, annoncer à tes concitoyens que cette ville que j'ai fondée, ma Rome, sera la reine du monde ; telle est la volonté du ciel. Que les Romains se livrent donc tout entiers à la science de la guerre ; qu'ils sachent, et après eux leurs descendants, que nulle puissance humaine ne pourra résister aux armes de Rome". »

À ces mots, continua Proculus, il s'éleva dans les airs. Il est étonnant qu'on ait si facilement ajouté foi à un pareil discours, et aussi combien la certitude de l'immortalité de Romulus adoucit les regrets du peuple et de l'armée.

Désiré Nisard (dir.), Œuvres de Tite-Live : histoire romaine avec la traduction en français, t. 1, Paris : 1839, p. 16.
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