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Extrait

Jules Verne, un père littéraire pour Julien Gracq

Julien Gracq, Lettrines, 1967

Il y a eu pour moi Poe, quand j'avais douze ans  Stendhal, quand j'en avais quinze  Wagner, quand j'en avais dix-huit  Breton, quand j'en avais vingt-deux. Mes seuls véritables intercesseurs et éveilleurs. Et auparavant, pinçant une à une toutes ces cordes du bec grêle de son épinette avant qu'elles ne résonnent sous le marteau du piano forte, il y a eu Jules Verne. Je le vénère, un peu filialement. Je supporte mal qu'on me dise du mal de lui. Ses défauts, son bâclage m'attendrissent. Je le vois toujours comme un bloc que le temps patine sans l'effriter. C'est mon primitif à moi. Et nul ne me donnera jamais honte de répéter que les Aventures du capitaine Hatteras sont un chef-d'œuvre. 

Julien Gracq, « Lettrines », Œuvres complètes, t. 2, Bibliothèque de la Pléiade, 1995, p. 156
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