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Extrait

Verborum prior, rerum potior : la connaissance des mots et des choses

Érasme de Rotterdam, Liber de ratione studii ac legendi interpretandique auctores, 1512
Dans le « plan d'étude » humaniste qu'il envoie à son ami Pierre de Vitré, Érasme donne une grande place à la rhétorique et à la connaissance de la langue.

Tout d'abord, d'une manière générale, la connaissance apparaît comme double : connaissance des choses, connaissance des mots. Celle des mots a la priorité, celle des choses le plus d'importance (Verborum prior, rerum potior). Mais certains, en se hâtant d'apprendre les choses, sans s'être comme on dit lavé les pieds, négligent de soigner leur langage et, par une économie mal placée, sont entraînés dans les plus grandes dépenses. En effet, les choses ne nous étant connues que par ces signes que sont les mots, celui qui ignore le sens des paroles doit nécessairement aussi errer à l'aveuglette, divaguer, délirer, dans le jugement qu'il porte sur les choses. Enfin, comme on peut le constater, de tous les hommes aucun n'ergote davantage et partout sur des nuances verbales, que ceux que se vantent de négliger les mots et de ne considérer que la réalité des choses. Aussi, dans chacune des deux branches du savoir, on doit tout de suite apprendre ce qu'il y a de meilleur, et naturellement avec les meilleurs maîtres. Qu'y a-t-il en effet de plus sot que d'apprendre à grand'peine ce qu'on sera plus tard obligé de désapprendre plus péniblement ? Or rien ne s'apprend plus aisément que ce qui est juste et vrai. Mais si de mauvaises habitudes se sont une fois enracinées dans l'esprit, c'est miracle de voir à quel point on ne peut les extirper.

« Érasme de Rotterdam à Pierre Vitré, éminent professeur es arts libéraux », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, no 3, octobre 1976. p. 276-299. Lire en ligne : https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1976_num_1_3_3370
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