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Extrait

Ronsard, facteur de la langue française

Pierre de Ronsard, Réponse aux injures et calomnies de je ne sais quels prédicants de Genève, 1563
Dans sa Réponses aux injures et calomnies de je ne sais quels prédicants et ministres de Genève, écrite en 1563 pour répondre à une série de pamphlets, Pierre de Ronsard se décrit comme ayant amélioré la langue française.

À vingt ans je choisis une belle maîtresse,
Et voulant par écrit témoigner ma détresse,
Je vis que des Français le langage trop bas
Se traînait sans vertu, sans ordre ni compas ;
Adonque pour hausser ma langue maternelle,
Indompté du labeur, je travaillai pour elle,
Je fis des mots nouveaux, je rappelai les vieux,
Si bien que son renom je poussai jusqu'aux cieux.
Je fis d'autre façon que n'avaient les antiques
Vocables composés et phrasés poétiques,
Et mis la Poésie en tel ordre qu'après,
Le Français s'égala aux Romains et aux Grecs.

Ha ! que je me repens de l'avoir apportée
Des rives d'Ausonne et du rivage Actée !
Filles de Jupiter, je vous requiers pardon !
Hélas je ne pensais que votre gentil don
Se dût faire l'appât de la bouche hérétique,
Pour servir de chansons aux valets de boutique :
Apporté seulement en France je l'avois
Pour donner passetemps aux Princes et aux Rois.

Tu ne le peux nier ! car de ma plénitude
Vous êtes tous remplis, je suis seul votre étude,
Vous êtes tous issus de la grandeur de moi;
Vous êtes mes sujets, et je suis votre loi
Vous mes ruisseaux, je suis votre fontaine,
Et plus vous méprisez, plus ma fertile veine
Repoussant le sablon, jette une source d’eaux
D’un surjon éternel pour vous autres ruisseaux.

Responce de P. de Ronsard, aux injures et calomnies de je ne sçay quels predicans et ministres de Genève, sur son Discours et Continuation des misères de ce temps, Paris : G. Buon, 1563, fol. 21v-22r.
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