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Extrait

Le Coq et le Renard chez Marie de France

Marie de France, Fables françaises du Moyen Âge, 12e siècle

Voici l'histoire d'un coq
qui était perché sur un fumier et chantait.
Un renard s'approcha de lui
et lui dit de fort belles paroles :
Seigneur, que vous êtes beau !
Je n'ai jamais vu un si bel oiseau !
Vous avez la voix la plus claire !
Hormis votre père, que je connaissais bien,
nul oiseau n'a jamais mieux chanté.
Mais lui faisait mieux, car il chantait les yeux fermés !
— Moi aussi je sais le faire ! dit le coq.
Il bat des ailes, ferme les yeux,
s'imaginant chanter d'une voix plus claire.
Le renard s'en saisit d'un bond
et gagne la forêt avec sa proie.
Il traversait un champ
quand tous les bergers se lancent à sa poursuite ;
Les chiens aboient après lui.
Regardez ce renard, qui tient le coq !
S'il passe par ici, il paiera cher sa capture !
— Vas-y ! dit le coq, crie-leur
que je suis à toi et que tu ne me laisseras pas !
Le renard veut crier fort,
et le coq saute de sa gueule :
il monte en haut d'un arbre.
Quand le renard s'en aperçoit,
il se voit bien attrapé
et bien trompé par le coq.
De colère et de fureur
il se met à maudire la bouche
qui parle quand elle devrait se taire.
Le coq répond : « Je dois faire comme toi :
maudire l'œil qui veut se fermer,
quand il devrait veiller et guetter
pour éviter un malheur à son seigneur ! »
Ainsi font les fous : la plupart
parlent quand il faut se taire,
et se taisent quand il faut parler.
Avis au sot.

Marie de France, Fables françaises du Moyen Âge, traduction de Jeanne-Marie Boivin et Laurence Harf-Lancner, Paris : Garnier-Flammarion, 1996.
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