Monéo : heurs et malheurs d'un porte-monnaie virtuel

2002

À peine arrivé dans les poches des Français, l'euro va-t-il disparaître ? Les pièces et les billets de la monnaie européenne sont concurrencés par le développement en France du porte-monnaie électronique, appelé Monéo. (…) Expérimenté à Tours en 1999, le système fonctionne déjà dans plusieurs régions et grandes villes de France, comme Lyon, Bordeaux, Montpellier, Poitiers, ou encore en Indre-et-Loire et en Bretagne. Dans cette région, ou Monéo est installé depuis le début de l'année sur les horodateurs de stationnement, « 20 % des règlements sont faits avec le porte-monnaie électronique », constate Jean-Pierre Ledru, vice-président exécutif de BMS¹ et directeur des moyens de paiement au Crédit agricole. (…)

Le développement du porte-monnaie électronique passe aujourd'hui à la vitesse supérieure, sous l'impulsion des actionnaires de BMS. Au tour de table de la société se retrouvent toutes les grandes banques et établissements financiers français (BNP Paribas, Banques populaires, Caisses d'épargne, Crédit agricole, CCF, CIC, Crédit Lyonnais, Crédit mutuel, La Poste, Société générale) ainsi que la RATP, la SNCF et France Télécom. Tous ont un rôle à jouer et un intérêt bien compris dans le développement de Monéo. (…)

L'un des principaux obstacles au développement du porte-monnaie électronique, la concurrence entre plusieurs projets, a disparu. (…) Les quelques freins qui subsistent concernent essentiellement les tarifs. Ceux-ci sont définis par les banques et totalement libres. (…)
Pour que Monéo se développe, il faut encore que les habitudes des consommateurs, attachés à la monnaie, évoluent. « Lorsque nous avons lancé la carte bancaire en 1985, les usagers ne faisaient chacun qu'une dizaine d'opérations par an, se souvient M. Ledru. Il a fallu attendre une bonne dizaine d'années pour réussir à en faire un outil indispensable. Aujourd'hui, une personne fait environ 120 à 130 opérations par an. Depuis 2001, les paiements par carte ont dépassé ceux effectués par chèque. »

_{1. BMS : Billetique monétique services est la société qui développe Monéo}

2015

Quinze ans après son lancement en grande pompe, le porte-monnaie électronique Moneo ferme. Définitivement. Dans quelques semaines, il ne sera plus possible de régler son pain ou son journal grâce à ce système de paiement intégré dans une carte bancaire, qui était censé remplacer les espèces. Preuve qu'il n'a jamais rencontré son public, sa fermeture ne touchera que quelques milliers d'utilisateurs en France. (...)

Après avoir expliqué son échec par de « nouvelles contraintes réglementaires », Moneo reconnaît aujourd'hui que « compte tenu de la faiblesse du marché, poursuivre l'expérience n'était pas rentable ». Chez les petits commerçants équipés d'un terminal bancaire Moneo, boulangers et marchands de journaux en tête, ce système de paiement ne représentait que quelques centaines de transactions par mois. « D'une part, les utilisateurs devaient charger leur carte, ce qui est moins pratique que le paiement sans contact, et d'autre part, les commerçants devaient acquitter une commission supplémentaire. Au final, ce portefeuille va rejoindre, avec le Minitel, le cimetière des grandes inventions françaises », ironise Maxime Chipoy, de l'UFC-Que choisir. (...)

Un échec cuisant, donc, pour Moneo, après la perte du marché de sa carte étudiant qui, sur le même principe du portefeuille électronique, permettait à quelque 1,5 million de jeunes de l'utiliser au restaurant universitaire, pour régler des photocopies ou des consommations à la machine à café... Le groupe BPCE lui a damé le pion l'an dernier, avec son système de paiement Izly. Par mobile ou par carte -- rechargeable sur Internet -- ce nouveau système doit être généralisé sur tous les campus, d'ici à septembre 2016. (...)