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L'architecture sacrée d'Etienne-Louis Boullée : Le culte divin

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Basilique

Bibliothèque nationale de France

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Alors que la philosohpie des Lumières et la Révolution bousculent le rapport à la spiritualité, Etienne-Louis Boullée invente de nouveaux lieux du sacré, mélange de concepts antiques et de hauteurs gothiques.

L’œuvre de Boullée s’inscrit dans le contexte des grands bouleversements idéologiques de la fin du 18^e siècle. Ses projets d’édifices religieux, métropole, temple, église reflètent les nouvelles formes de religiosité apparues avec l’esprit des Lumières, culte de la Nature ou de l’Être Suprême, culte de la Raison scientifique et des Grands Hommes, religion civile, mysticisme maçonnique, etc. Toutes ces tendances s’interpénètrent dans une pseudo religion inventée par l’architecte. L’architecture sacrée de Boullée illustre sa volonté d’appliquer sa conception du progrès social à la religion.

Une actualité artistique et politique

L'église de la Madeleine appartient au grand dessein urbanistique de Louis XV pour Paris. La place dédiée au roi, actuelle place de la Concorde, se prolonge vers le nord par la rue Royale et devait dès l'origine, selon les souhaits de son concepteur Ange-Jacques Gabriel (exprimés en 1755), aboutir à la façade de la nouvelle église de la Madeleine imaginée par Pierre Contant d'Ivry († 1777) et présentée au roi en 1761. Reprenant le plan en croix latine et les fondations de Contant d’Ivry, Boullée propose en 1781-82 un projet qui incarne la vision de la nouvelle génération des architectes français, après la disparition de Soufflot, auteur de l'autre grande église du règne de Louis XV : l’église Sainte-Geneviève, actuel Panthéon.

Basilique |
Bibliothèque nationale de France

Les dessins de Boullée constituent le véritable manifeste d'une architecture régénérée, par l’observation de l’esthétique harmonieuse de l’art grec et par l’adoption de structures gothiques audacieuses. Boullée suivait ainsi les préceptes du père Laugier, théoricien qui soutenait des conceptions analogues à celles de Soufflot. Dans son Essai, Boullée loue la grandeur des temples grecs et des cathédrales gothiques et décrie avec véhémence les travers des églises de la Contre-Réforme. Il s’attaque tout particulièrement à la basilique Saint-Pierre de Rome, qui, à ses yeux, ne produit pas, malgré son gigantisme, les effets plastiques nécessaires à l’édification des fidèles. Voulant produire une image de l’immensité, Boullée adopte partout la colonnade et réduit l'entrecolonnement afin d'accélérer la perspective. L’architecte dissimule les sources de lumière et ménage le moins d’ouvertures possible sur les murs et dans le dôme. Il cherche à associer la « magie enchanteresse » résultant d’un « jour mystérieux » et une architecture « mâle et fière », offrant à l’extérieur une surface lisse et sans effet de « maigreur ». Boullée met en œuvre les mêmes principes dans la Métropole, dont les murs sont complètement aveugles.

Une actualité idéologique

Si le projet de Boullée pour la Madeleine répond à un programme d'église conventionnel, celui de la Métropole propose un temple idéal pour un culte nouveau. Ici, point de maître-autel, point de chapelles secondaires. Les scènes religieuses représentées dans les dessins de l’intérieur de la métropole répondent à des fêtes précises du calendrier liturgique catholique. Elles sont toutefois traitées comme des cérémonies à l’antique. Il s’agit de célébrations d’un culte divin intemporel dans lequel la référence à la Croix sert uniquement de point de repère au spectateur.

« Un édifice au culte de l'Être Suprême ! Voilà certainement un sujet qui comporte des idées sublimes et auquel il est nécessaire que l'architecte imprime un caractère ».

L'église de la Madeleine

Daté de 1781, le projet de la Madeleine apparaît comme une surenchère sur toutes les églises à coupoles connues. Boullée répond par l'exemple aux critiques qu'il émet sur les églises modernes. A l’utilisation symbolique du dôme, emprunté à l’architecture de la Renaissance, s’ajoute la référence au modèle du temple grec, bâtiment isolé, doté d’« un magnifique porche, avec double rang de colonnes », et d’un seul ordre colossal ; « Placé au centre du monument, le dôme est combiné de manière à frapper sur le champ celui qui entrerait dans le temple ». Ce dôme monumental surpasse les grands modèles du temps, tel celui de l'église Sainte Geneviève de Soufflot, actuel Panthéon, ou de la cathédrale Saint-Paul de Wren à Londres.

Projet de l’église de la Madeleine, assujetti aux fondations de l’ancien architecte. N°2, élévation géométrale |
Bibliothèque nationale de France

Boullée soumet le plan de son projet à celui de la nouvelle Madeleine déjà sortie de terre. Il met cependant en œuvre ses principes, supprime les « lourdes arcades dont les piédroits massifs ont, pour tout ornement, un plaquis de quelques pouces d'épaisseur, qu'on nomme pilastre » et les « lunettes [pénétrations de voûte] qui ressemblent à des soupiraux de caves ». L'architecte privilégie la colonnade libre, aère ainsi le plan et lui donne « un caractère de grandeur qui par les élans qui appartiennent au génie, en impose au spectateur et remplit son âme d'étonnement et d'admiration ».

Afin d'ajouter à l'atmosphère mystique de son temple Boullée supprime les éclairages directs et masque les sources de lumière par un système de coupoles emboîtées cachées derrière la colonnade du tambour.

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