Hugo photographe

Cet album, l'un des treize Albums des proscrits, a appartenu à Augustine Allix qui s'était liée au cercle Hugo à Jersey. D'une particulière richesse, il réunit des documents s'échelonnant de 1853 à 1860 : des dessins de Victor Hugo, des autographes, et surtout cent vingt trois photographies dont quatre-vingt cinq épreuves sur papier salé. C'est la vie des proscrits jersiais et guernesiais qui se trouve évoquée ici. Charles s'est livré sur certains feuillets à un travail de décoration et de collage comme sur ce frontispice richement orné.

En novembre 1852 naît dans le cercle Hugo l’idée de créer un atelier de photographie afin d’illustrer de portraits de l’artiste ses œuvres, rééditer Le Rhin avec des reproductions de paysages, et publier un album de photographies sur Jersey et les îles de la Manche, accompagné de vers du poète et de textes de ses fils et d’Auguste Vacquerie. Si l’atelier fonctionne activement pendant les trois années d’exil à Jersey – quelque trois cent cinquante photographies sont alors prises –, en revanche les projets soumis aux éditeurs, réticents devant ce procédé encore révolutionnaire, ne verront jamais le jour.
Ne prenant pas les photographies lui-même, Victor Hugo accompagne son fils Charles : extraordinaire médium durant les séances de spiritisme, ce dernier est en même temps un intermédiaire pour les prises de vue. On discerne la présence du père dans le choix et le cadrage des photographies. Qu’il pose lui-même ou qu’il préside à des prises de vue de paysages, Victor Hugo renoue avec le metteur en scène qui, en marge de son manuscrit, plante presque toujours le décor de scène ou participe aux répétitions.
Il s’établit aussi un constant va-et-vient entre la photographie et le dessin. Certains dessins sont nés de la photographie, et les papiers découpés, les collages auxquels le poète procède y trouvent aussi leur source. De la même manière, Hugo découpe, recadre et redessine les contours de photographies.