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Stello

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Bibliothèque nationale de France

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La Première consultation du Docteur noir, Stello ou les diables bleus est un roman à tiroirs mettant en scène Stello, jeune poète atteint de l’étrange maladie des « diables bleus » qui lui donne envie de s’engager en politique, ce que le vieux Docteur noir va entreprendre de guérir en racontant le sort malheureux qu’ont réservé trois pouvoirs politiques différents (monarchie absolue, monarchie parlementaire et démocratie) à trois poètes (Gilbert, Chatterton et André Chénier), avant de prescrire de « séparer la vie poétique de la vie politique » dans une ordonnance conclusive.

L’œuvre se distingue par une certaine virtuosité, mêlant révolte, pitié ou détachement, dans un style qui s'adapte aux histoires rapportées : la première nouvelle mime malicieusement le style fleuri d’un dix-huitième siècle matérialiste et la seconde prend des airs anglais, quand la troisième donne à éprouver l’atmosphère de la Terreur.  À la psychologie du poète s’ajoute la question de sa place dans la société et, plus largement, de la possibilité d’un gouvernement satisfaisant ainsi que du rôle de l’art.

Leçon politique

Une gradation est perceptible entre les trois nouvelles puisque, dans la première, le pouvoir laisse simplement mourir Gilbert sans lui venir en aide, alors que dans la deuxième, Chatterton semble mis à mort par le mépris du Lord-Maire ; exécution du poète qui devient effective dans le troisième récit quand la guillotine tranche la tête d’André Chénier. Le Docteur noir présente ces récits comme exemplaires et renforce la charge dans ses commentaires : son dénigrement ne se limite pas aux dirigeants d’époques décadentes mais frappe les régimes eux-mêmes, l’inévitable imperfection des institutions humaines et l’exercice corrupteur du pouvoir.
D’où l’ordonnance finale : le poète doit rester autonome – « Seul et libre » – pour préserver une indépendance et une dignité précieuses entre tout. Sa fonction, dépassant le niveau de la cité, est celle d’un créateur de pensée, contribuant à l’éveil des consciences et accompagnant l’existence humaine.

Joies de la création

Comme le suggère le dispositif même de l’œuvre – deux alter ego de l’écrivain échangeant des mots qui constituent une sorte de cure  la création littéraire est du reste assez enrichissante pour se suffire à elle-même. C’est encore ce que montre l’art du conteur (principal et secondaire), multipliant des facéties – parodie, interruptions, jeux avec les mots et les références culturelles – qui évoquent, avec certaines œuvres de Sterne ou Nodier, la vogue du roman excentrique, de manière à prouver les ressources de l’esprit pour apprivoiser les souffrances de la condition du poète et, au-delà, de l’existence humaine.

Une œuvre mal comprise

Si quelques lecteurs ont bien reconnu cette veine, peu l’ont toutefois appréciée et comprise. Stello est souvent loué pour son style, commenté (et critiqué !) pour ses idées, mais rarement abordé comme un spécimen surprenant d’un roman, dont l’originalité tient justement « au mélange d’ironie et de sensibilité », selon la caractérisation même de Vigny. Cette œuvre si pleine de paradoxes – à la fois tragique et comique, et se donnant comme un dialogue de soi à soi tout en prétendant défendre une thèse… de désengagement – déroute ses lecteurs.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017).

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