Les nouvelles richesses du monde

La découverte de diamants dans la région de Kimberley en 1867 va profondément modifier le visage de l’Afrique du Sud et attirer en quelques années de nombreuses compagnies étrangères. Adrien Auguste Moulle, ingénieur des Mines et membre de la Société de géographie a travaillé, pour la Compagnie française des mines de diamants du Cap, à la mine de Kimberley dans les années 1880. Il est l’auteur d’un Mémoire sur la géologie générale et sur les mines de diamants de l’Afrique du Sud et le donateur de cette photographie à la Société de géographie.

Henri Porcheron, ancien ingénieur en chef de la Compagnie française des mines de diamants du Cap, fait une conférence accompagnée de projections à la Société de géographie le 1^er mars 1895 sur les mines de diamant de l’Afrique australe. Après un historique de l’occupation anglaise et un rappel concernant les formations géologiques, il s’attache à montrer les différents aspects de la production : travaux à ciel ouvert et travaux souterrains, matériel employé autrefois et actuellement, valeur des mines.

Au cœur de l’Oural, le district minier de Sysserte comprend cinq usines principales, propriété de la famille Solomirsky. Les produits de ces usines métallurgiques sont destinés en grande partie à la foire de Nijni-Novgorod. Dimitri Solomirsky réalise en 1896 un reportage photographique sur ses usines à leur apogée. En 1912, l’ensemble du domaine sera vendu à des financiers anglais.

Le complexe industriel de Sysserte possède de vastes étendues forestières, nécessaires pour subvenir à la consommation de bois, et l’exploitation des tourbières fournit un combustible bon marché pour les fours. Solomirsky résume cette organisation et compose sa photographie par plans successifs en faisant poser la vingtaine d’employés entre les balles de tourbe et l’horizon des forêts.

La première usine métallurgique implantée à Sysserte date des années 1730, mais c’est au 19^e siècle que le domaine industriel prend tout son essor. Les photographies prises par Solomirsky à la fin du siècle sont un témoignage de cette réussite. Elles ont été rapportées et données à la Société de géographie par le baron Joseph de Baye, qui séjourna à Sysserte et rencontra Solomirsky en 1896. Elles ont également été utilisées en 1899 par Dimitri Mendeleïev, chimiste renommé et cofondateur de la première société russe de photographie, comme illustrations d’un ouvrage sur l’industrie métallurgique en Oural.

La légende de cette photographie pourrait annoncer une vue sans importance. C’est au contraire toute la démarche esthétique de Solomirsky qui s’exprime dans ce cliché, au-delà de l’intérêt purement documentaire. Les équipements industriels sont photographiés comme le seraient les détails architecturaux d’un monument et les puits quadrangulaires qui flanquent les bâtiments de l’usine se reflètent dans l’eau à la manière des tours d’un château. N’est-ce pas, au centre du domaine de Sysserte, la plus belle réalisation de ce capitaine d’industrie ?

La ville marchande de Nertchinsk est un lieu de contact entre les ouvriers ou les convicts russes et les populations bouriates ou toungouses. La population varie suivant les saisons : le lavage de l’or, qui nécessite de l’eau courante, s’étend de mai à septembre ; l’hiver, les hommes quittent les mines et se regroupent dans les villes, seuls quelques Yakoutes et Toungouses étant employés à des transports de matériels.

Le lavage de l’or mobilise une main-d’œuvre considérable pour transporter les terres aurifères dans des machines à tonneaux géants, sortes de cylindres percés de trous et animés d’un mouvement de rotation qui permet aux parties chargées d’or de se déposer. Un grand nombre d’ouvriers est rassemblé autour de la machine, comme pour marquer une appropriation de l’outil de travail. Cette photographie très bien composée donne l’impression d’une conjugaison des forces humaines, animales et mécaniques.

L’ingénieur Louis Simonin, qui s’est rendu aux îles Chincha lors de son voyage de San Francisco au Chili en 1859 et 1860, détaille dans le journal Le Tour du monde les conditions terribles d’abattage du guano par les ouvriers chinois : « La poussière, l’odeur, sont capables d’asphyxier un novice. Il est impossible, pour qui n’y est pas habitué, de s’arrêter une heure devant les exploitations. Vous avez beau mettre un mouchoir sous vos narines [...] L’odeur pénétrante de l’engrais végétal l’emporte, et de plus une poussière jaune, saline, s’étale avec complaisance sur votre visage et vos habits. »

Le photographe Henry Moulton réalise un saisissant reportage sur les îles Chincha lors de son séjour au Pérou. Les conditions extrêmement pénibles d’exploitation du guano retiennent son attention. Les ouvriers – des prisonniers et plusieurs centaines de travailleurs chinois – abattent à la pioche et chargent dans des wagonnets le précieux engrais dans une atmosphère d’ammoniac irrespirable.

La culture de la canne à sucre est implantée sur toute l’étendue du littoral, mais c’est dans les districts nord du Queensland, en zone tropicale, qu’elle prospère le plus. Elle est associée au 19^e siècle à une des pages sombres de l’histoire de l’Australie : le blackbirding, c’est-à-dire le recrutement forcé de populations insulaires des mers du Sud, appelées kanakas, pour travailler dans les champs de canne à sucre ou de coton. Cette photographie a été prise en 1896, période d’intenses combats politiques pour l’interdiction de l’entrée de main-d’œuvre d’origine mélanésienne dans les plantations, interdiction qui ne sera effective qu’en 1904.

Les immenses pâturages de l’intérieur du Queensland sont le domaine des élevages de moutons. Jimbour Station, dans les Darling Downs, au sud de la colonie, emploie une main-d’œuvre abondante pour la garde des troupeaux, la tonte des moutons, le tri et le lavage de la laine. Cette image marque un temps d’arrêt, une pause – pose – dans le travail des trieurs de laine. Les regards des hommes du premier plan sont dans l’ombre alors que le second rang, à distance, se permet de dévisager le photographe. Paradoxe de cette image, c’est en demandant la suspension momentanée de l’activité que le photographe veut montrer le travail des hommes.