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Abraham Bosse, savant graveur

L’imprimerie en taille-douce
L’imprimerie en taille-douce

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
L’œuvre d’Abraham Bosse coïncide avec une révolution dans la gravure : le passage de la gravure sur bois à la gravure sur cuivre, encore appelée taille-douce. En contact étroit avec les peintres de son temps et avec tout le monde de l’estampe, Abraham Bosse nous introduit dans l’univers artistique d’une époque. Son œuvre théorique reste en outre une excellente introduction à l’étude de l’estampe ancienne.

L’essoufflement de la gravure sur bois

Pour entonner une gaye chanson
Pour entonner une gaye chanson |

Bibliothèque nationale de France

Si au début du 16e siècle la taille-douce n’est pas inconnue à Paris, l’image y est cependant largement dominée par la gravure en bois, pratiquée et diffusée par les éditeurs de la rue de Montorgueil. Cependant, une des caractéristiques de la gravure en bois, qui est sa pérennité, va se retourner contre elle : le prix de revient peu élevé, l’amortissement extrêmement rapide malgré des prix de vente très bas, la diffusion plus que large, entraînent à la fois l’endormissement de la création et la lassitude de la clientèle. La situation de quasi-monopole de la rue de Montorgueil devient aussi un désavantage : faute de sang neuf, elle s’écroulera presque d’un coup, le moment venu.

Le renouveau de l’estampe en France

L’activité de Melchior Tavernier dans le domaine de l’estampe et du livre à figures est considérable. Louis XIII le fait nommer dès 1618 graveur et imprimeur du roi pour les tailles-douces. Sa spécialité est avant tout la carte de géographie, ou de topographie mais il publie aussi des livres à figures, c’est-à-dire illustrés de tailles-douces. Enfin, Tavernier édite des estampes volantes mais semble cependant qu’il se soit principalement voué à celles que gravait Abraham Bosse, son disciple. Le rôle de Melchior Tavernier est donc capital dans la carrière d’Abraham Bosse. Mais il l’est aussi dans l’installation à Paris d’une sorte de structure éditoriale et commerciale qui manquait alors à l’estampe. Ainsi, grâce à son talent, mais aussi grâce à ses éditeurs, Abraham Bosse est-il en contact étroit avec tout le petit monde de l’estampe d’alors, de même qu’avec les peintres. Il est en 1644 à la tête d’un groupe de graveurs et de marchands d’estampes qui proteste contre la tentative d’un certain Palevoisin, et en 1651 de François Mansart, de mettre les graveurs en coupe réglée en les enserrant dans une communauté de métier. Ces efforts, conjugués à ceux d’autres artistes encore, aboutissent à l’édit de Saint-Jean-de-Luz qui, le 26 mai 1660, consacre la gravure comme un art libre.

Le Navire de la ville de Paris
Le Navire de la ville de Paris |

Bibliothèque nationale de France

Après 1645, Abraham Bosse laisse un peu de côté l’art de l’estampe qui a fait son succès pour se consacrer à des questions plus théoriques et, il faut bien le dire, plus arides, même s’il les égaie volontiers de séduisantes images. Sa rencontre avec le géomètre Girard Desargues, par le truchement de Tavernier, donne à sa carrière une courbe différente, qui l’entraînera jusqu’à l’Académie royale de peinture et sculpture.

L’art de graver

La presse en action
La presse en action |

Bibliothèque nationale de France

En publiant son Traité des manieres de graver en taille douce sur lairain par le moyen des eaues fortes et des vernis durs et mols… paru en 1645, Bosse livre au public des amateurs et à ses confrères tout ce qu’il a appris sur l’art de la taille-douce, particulièrement à l’eau-forte. Il tient son savoir de ses propres travaux et de sa rencontre avec Jacques Callot. Longuement mûri, profondément didactique, cet ouvrage présente le savoir-faire que le graveur doit maîtriser pour obtenir de belles estampes, la grande idée de l’auteur étant que l’eau-forte doit permettre d’arriver à des tailles aussi nettes et précises que celles obtenues par le burin. Sont expliqués la composition du vernis dur et sa fabrication, celle de l’eau-forte, les critères pour reconnaître le meilleur cuivre et la façon de le polir. Viennent ensuite la manière d’appliquer le vernis sur la planche, de le faire durcir, d’y reporter le dessin. Les pointes et échoppes sont décrites, ainsi que les procédés pour obtenir des tailles profondes ou fines, serrées ou espacées.

Manière de jeter l’eau-forte sur la planche
Manière de jeter l’eau-forte sur la planche |

Bibliothèque nationale de France

Bosse explique ensuite comment faire mordre la planche par l’acide, comment renouveler l’opération en protégeant les tailles suffisamment profondes, comment ôter le vernis. La recette du vernis mou est donnée avec les précautions à respecter pour parvenir à un bon résultat.
Un court chapitre présente le travail au burin. Voulant que son traité soit complet, Bosse décrit toutes les pièces de la presse à taille-douce et donne la recette de l’encre avant de parler longuement des opérations d’impression. Rien n’est omis, depuis le trempage du papier jusqu’au séchage des épreuves. En même temps, l’auteur livre un procédé pour imprimer en plusieurs couleurs. Seize planches illustrent ce discours et, très concrètement, montrent la pose du vernis et son durcissement, les pointes, les échoppes et les burins, la façon de les tenir, et les différentes sortes de tailles obtenues, la morsure du cuivre par l’eau-forte, la presse à taille-douce et ses différentes pièces, et un imprimeur au travail. Le succès de cet ouvrage est attesté par les rééditions et les traductions qu’il connut.

Façon de tenir et de manier le burin
Façon de tenir et de manier le burin |

Bibliothèque nationale de France

Les images d'Abraham Bosse ont marqué le premier 17e siècle parisien, et souvent aujourd’hui sont encore l’unique moyen d’en approcher la réalité. Leur succès fut considérable, ainsi qu’en témoignent les nombreuses copies et imitations dont elles ont fait l’objet à l’époque même de leur parution, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne.

Abraham Bosse, Le Bal, vers 1634
Abraham Bosse, Le Bal, vers 1634 |

© Bibliothèque nationale de France

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l’exposition « Abraham Bosse, savant graveur » présentée à la Bibliothèque nationale de France du 20 avril au 11 juillet 2004. 

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