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Les impératifs de l'écriture musicale

Symphonie fantastique en cinq parties
Symphonie fantastique en cinq parties

Bibliothèque nationale de France

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Comment écrire la musique afin de conquérir un auditoire pas toujours mélomane ? Par la précision, répond Berlioz, qui truffe ses partitions d’indications d’exécution très précises et s’indigne lorsque les interprètes s’en éloignent. Dans son ouvrage À travers chants, à la suite de l’article « musique », il détaille les quelques impératifs qui doivent guider l’écriture musicale…

La mélodie

Effet musical produit par différents sons entendus successivement, et formulés en phrases plus ou moins asymétriques. L'art d'enchaîner d'une façon agréable ces séries de sons divers, ou de leur donner un sens expressif, ne s'apprend point, c'est un don de la nature, que l'observation des mélodies préexistantes et le caractère propre des individus et des peuples modifient de mille manières.

L'harmonie

Effet musical produit par différents sons entendus simultanément. Les dispositions naturelles peuvent seules, sans doute, faire le grand harmoniste ; cependant la connaissance des groupes de sons produisant les accords (généralement reconnus pour agréables et beaux), et l'art de les enchaîner régulièrement, s'enseignent partout avec succès.

Le rythme

Division symétrique du temps par les sons. On n'apprend pas au musicien à trouver de belles formes rythmiques ; la faculté particulière qui les lui fait découvrir est l'une des plus rares. Le rythme, de toutes les parties de la musique, nous paraît être aujourd'hui la moins avancée.

L'expression

Qualité par laquelle la musique se trouve en rapport direct de caractère avec les sentiments qu'elle veut rendre, les passions qu'elle veut exciter. La perception de ce rapport est excessivement peu commune ; on voit fréquemment le public tout entier d'une salle d'opéra, qu'un son douteux révolterait à l'instant, écouter sans mécontentement, et même avec plaisir, des morceaux dont l'expression est d'une complète fausseté.

Les modulations

On désigne aujourd'hui par ce mot les passages ou transitions d'un ton ou d'un mode à un mode ou à un ton nouveau. L'étude peut faire beaucoup pour apprendre au musicien l'art de déplacer ainsi avec avantage la tonalité, et à modifier à propos sa constitution. En général les chants populaires modulent peu.

L'instrumentation

Consiste à faire exécuter à chaque instrument ce qui convient le mieux à sa nature propre et à l'effet qu'il s'agit de produire. C'est en outre l'art de grouper les instruments de manière à modifier le son des uns par celui des autres, en faisant résulter de l'ensemble un son particulier que ne produirait aucun d'eux isolément, ni réuni aux instruments de son espèce. Cette face de l'instrumentation est exactement, en musique, ce que le coloris est en peinture. Puissante, splendide et souvent outrée aujourd'hui, elle était à peine connue avant la fin du siècle dernier. Nous croyons également, comme pour le rythme, la mélodie et l'expression, que l'étude des modèles peut mettre le musicien sur la voie qui conduit à la posséder, mais qu'on n'y réussit point sans des dispositions spéciales.

Le point de départ des sons

En plaçant l'auditeur à plus ou moins de distance des exécutants, et en éloignant dans certaines occasions les instruments sonores les uns des autres, on obtient dans l'effet musical des modifications qui n'ont pas encore été suffisamment observées.

Le degré d'intensité des sons

Telles phrases et telles inflexions présentées avec douceur ou modération ne produisent absolument rien, qui peuvent devenir fort belles en leur donnant la force d'émission qu'elles réclament. La proposition inverse amène des résultats encore plus frappants : en violentant une idée douce, on arrive au ridicule et au monstrueux.

La multiplicité des sons

Est l'un des plus puissants principes d'émotion musicale. Les instruments ou les voix étant en grand nombre et occupant une large surface, la masse d'air mise en vibration devient énorme, et ses ondulations prennent alors un caractère dont elles sont ordinairement dépourvues. Tellement que, dans une église occupée par une foule de chanteurs, si un seul d' entre eux se fait entendre, quels que soient la force, la beauté de son organe et l'art qu'il mettra dans l'exécution d'un thème simple et lent, mais peu intéressant en soi, il ne produira qu'un effet médiocre ; tandis que ce même thème repris, sans beaucoup d'art, à l'unisson, par toutes les voix, acquerra aussitôt une incroyable majesté.

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition « Berlioz, la voix du romantisme » présentée du 17 octobre 2003 au 18 janvier 2004 à la Bibliothèque nationale de France, en partenariat avec Arte, France Musiques et l'Orchestre de Paris-Mogador.

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