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Anthologie

Itinéraire de Paris à Jérusalem dans le texte

Amyclée

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Première partie : voyage en Grèce, 1811
Dans son Itinéraire, Chateaubriand mêle sa connaissance de l’Antiquité, les réminiscences de son voyage en Amérique et sa connaissance purement livresque de l’Orient, son texte faisant constamment référence à l’histoire et à la littérature antiques, mais aussi aux récits de voyageurs français depuis les Croisades jusqu’à la fin du 18e siècle. Il oppose constamment les Grecs et les Turcs de son époque à leurs ancêtres, cherchant à retrouver chez eux des traces de la civilisation antique. Ses comparaisons et les allers-retours incessants entre passé et présent viennent appuyer sa réflexion sur le passage du temps et sur la disparition des civilisations, au même titre que ses descriptions des ruines antiques.

J’avais envoyé le janissaire me chercher des chevaux et un guide pour visiter d’abord Amyclée et ensuite les ruines de Sparte, où je croyais être : tandis que j’attendais son retour, Ibraïm me fit servir un repas à la turque. J’étais toujours couché sur le divan : on mit devant moi une table extrêmement basse ; un esclave me donna à laver ; on apporta sur un plateau de bois un poulet haché dans du riz ; je mangeai avec mes doigts. Après le poulet on servit une espèce de ragoût de mouton dans un bassin de cuivre ; ensuite des figues, des olives, du raisin et du fromage, auquel, selon Guillet, Misitra doit aujourd’hui son nom. Entre chaque plat un esclave me versait de l’eau sur les mains, et un autre me présentait une serviette de grosse toile, mais fort blanche. Je refusai de boire du vin par courtoisie ; après le café, on m’offrit du savon pour mes moustaches.
Pendant le repas le chef de la loi m’avait fait faire plusieurs questions par Joseph ; il voulait savoir pourquoi je voyageais, puisque je n’étais ni marchand ni médecin. Je répondis que je voyageais pour voir les peuples, et surtout les Grecs qui étaient morts. Cela le fit rire : il répliqua que puisque j’étais venu en Turquie, j’aurais dû apprendre le turc. Je trouvai pour lui une meilleure raison à mes voyages en disant que j’étais un pèlerin de Jérusalem. « Hadgi ! hadgi ! » s’écria-t-il. Il fut pleinement satisfait. La religion est une espèce de langue universelle entendue de tous les hommes. Ce Turc ne pouvait comprendre que je quittasse ma patrie par un simple motif de curiosité, mais il trouva tout naturel que j’entreprisse un long voyage pour aller prier à un tombeau, pour demander à Dieu quelque prospérité ou la délivrance de quelque malheur. Ibraïm, qui en m’apportant son fils m’avait demandé si j’avais des enfants, était persuadé que j’allais à Jérusalem afin d’en obtenir. J’ai vu les sauvages du Nouveau-Monde indifférents à mes manières étrangères, mais seulement attentifs comme les Turcs à mes armes et à ma religion, c’est-à-dire aux deux choses qui protègent l’homme dans ses rapports de l’âme et du corps. Ce consentement unanime des peuples sur la religion et cette simplicité d’idées m’ont paru valoir la peine d’être remarqués.
Au reste, cette salle des étrangers où je prenais mon repas offrait une scène assez touchante, et qui rappelait les anciennes mœurs de l’Orient. Tous les hôtes d’Ibraïm n’étaient pas riches, il s’en fallait beaucoup ; plusieurs même étaient de véritables mendiants : pourtant ils étaient assis sur le même divan avec les Turcs qui avaient un grand train de chevaux et d’esclaves. Joseph et mon janissaire étaient traités comme moi, si ce n’est pourtant qu’on ne les avait point mis à ma table. Ibraïm saluait également ses hôtes, parlait à chacun, faisait donner à manger à tous. Il y avait des gueux en haillons, à qui des esclaves portaient respectueusement le café. On reconnaît là les préceptes charitables du Coran et la vertu de l’hospitalité que les Turcs ont empruntée des Arabes ; mais cette fraternité du turban ne passe pas le seuil de la porte, et tel esclave a bu le café avec son hôte, à qui ce même hôte fait couper le cou en sortant. J’ai lu pourtant, et l’on m’a dit qu’en Asie il y a encore des familles turques qui ont les mœurs, la simplicité et la candeur des premiers âges : je le crois, car Ibraïm est certainement un des hommes les plus vénérables que j’aie jamais rencontrés.
Le janissaire revint avec un guide qui me proposait des chevaux non seulement pour Amyclée, mais encore pour Argos. Il demanda un prix que j’acceptai. Le chef de la loi, témoin du marché, se leva tout en colère ; il me fit dire que puisque je voyageais pour connaître les peuples, j’eusse à savoir que j’avais affaire à des fripons ; que ces gens-là me volaient ; qu’ils me demandaient un prix extraordinaire ; que je ne leur devais rien, puisque j’avais un firman, et qu’enfin j’étais complètement leur dupe. Il sortit plein d’indignation, et je vis qu’il était moins animé par un esprit de justice que révolté de ma stupidité.
À huit heures du matin je partis pour Amyclée, aujourd’hui Sclabochôrion : j’étais accompagné du nouveau guide et d’un cicérone grec, très bon homme, mais très ignorant. Nous prîmes le chemin de la plaine au pied du Taygète, en suivant de petits sentiers ombragés et fort agréables qui passaient entre des jardins ; ces jardins, arrosés par des courants d’eau qui descendaient de la montagne, étaient plantés de mûriers, de figuiers et de sycomores. On y voyait aussi beaucoup de pastèques, de raisins, de concombres et d’herbes de différentes sortes : à la beauté du ciel et à l’espèce de culture près, on aurait pu se croire dans les environs de Chambéry. Nous traversâmes la Tiase, et nous arrivâmes à Amyclée, où je ne trouvai qu’une douzaine de chapelles grecques dévastées par les Albanais, et placées à quelque distance les unes des autres au milieu de champs cultivés. Le temple d’Apollon, celui d’Eurotas à Onga, le tombeau d’Hyacinthe, tout a disparu. Je ne pus découvrir aucune inscription : je cherchai pourtant avec soin le fameux nécrologe des prêtresses d’Amyclée, que l’abbé Fourmont copia en 1731 ou 1732, et qui donne une série de près de mille années avant Jésus-Christ. Les destructions se multiplient avec une telle rapidité dans la Grèce, que souvent un voyageur n’aperçoit pas le moindre vestige des monuments qu’un autre voyageur a admirés quelques mois avant lui. Tandis que je cherchais des fragments de ruines antiques parmi des monceaux de ruines modernes, je vis arriver des paysans conduits par un papas ; ils dérangèrent une planche appliquée contre le mur d’une des chapelles, et entrèrent dans un sanctuaire que je n’avais pas encore visité. J’eus la curiosité de les y suivre, et je trouvai que ces pauvres gens priaient avec leurs prêtres dans ces débris : ils chantaient les litanies devant une image de la Panagia, barbouillée en rouge sur un mur peint en bleu. Il y avait bien loin de cette fête aux fêtes d’Hyacinthe ; mais la triple pompe des ruines, des malheurs et des prières au vrai Dieu effaçait à mes yeux toutes les pompes de la terre.

François-René de Chateaubriand, Œuvres complètes, tome 5, Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1828, pp. 140-142.

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Sparte

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Première partie : voyage en Grèce, 1811
Dans son introduction puis au début de son voyage, Chateaubriand évoque longuement les récits des voyageurs ayant vainement cherché à visiter les ruines de Sparte. Arrivant à son tour dans la région, il se perd longuement dans la ville moderne de Misitra, sans y trouver de vestiges antiques. C’est finalement par une belle nuit, au clair de lune, qu’il va « redécouvrir » la vieille ville (« Palæochôri »). S’il présente cette visite comme une découverte archéologique, il insiste surtout sur ses réminiscences antiques qui finissent par le terrasser d’émotion.

Il y avait déjà une heure que nous courions par un chemin uni qui se dirigeait droit au sud-est, lorsqu’au lever de l’aurore j’aperçus quelques débris et un long mur de construction antique : le cœur commence à me battre. Le janissaire se tourne vers moi et, me montrant sur la droite, avec son fouet, une cabane blanchâtre, il me crie d’un air de satisfaction : « Palæochôri ! » Je me dirigeai vers la principale ruine que je découvrais sur une hauteur. En tournant cette hauteur par le nord-ouest afin d’y monter, je m’arrêtai tout à coup à la vue d’une vaste enceinte, ouverte en demi-cercle, et que je reconnus à l’instant pour un théâtre. Je ne puis peindre les sentiments confus qui vinrent m’assiéger. La colline au pied de laquelle je me trouvais était donc la colline de la citadelle de Sparte, puisque le théâtre était adossé à la citadelle ; la ruine que je voyais sur cette colline était donc le temple de Minerve-Chalciœcos, puisque celui-ci était dans la citadelle ; les débris et le long mur que j’avais passés plus bas faisaient donc partie de la tribu des Cynosures, puisque cette tribu était au nord de la ville ; Sparte était donc sous mes yeux ; et son théâtre, que j’avais eu le bonheur de découvrir en arrivant, me donnait sur-le-champ les positions des quartiers et des monuments. Je mis pied à terre, et je montai en courant sur la colline de la citadelle.

Comme j’arrivais à son sommet, le soleil se levait derrière les monts Ménélaïons. Quel beau spectacle ! mais qu’il était triste ! L’Eurotas coulant solitaire sous les débris du pont Babyx ; des ruines de toutes parts, et pas un homme parmi ces ruines ! Je restai immobile, dans une espèce de stupeur, à contempler cette scène. Un mélange d’admiration et de douleur arrêtait mes pas et ma pensée ; le silence était profond autour de moi : je voulus du moins faire parler l’écho dans des lieux où la voix humaine ne se faisait plus entendre, et je criai de toute ma force : Léonidas ! Aucune ruine ne répéta ce grand nom, et Sparte même sembla l’avoir oublié.
Si des ruines où s’attachent des souvenirs illustres font bien voir la vanité de tout ici-bas, il faut pourtant convenir que les noms qui survivent à des empires et qui immortalisent des temps et des lieux sont quelque chose. Après tout, ne dédaignons pas trop la gloire : rien n’est plus beau qu’elle, si ce n’est la vertu. Le comble du bonheur serait de réunir l’une à l’autre dans cette vie ; et c’était l’objet de l’unique prière que les Spartiates adressaient aux dieux : « Ut pulchra bonis adderent ! » Quand l’espèce de trouble où j’étais fut dissipé, je commençai à étudier les ruines autour de moi. Le sommet de la colline offrait un plateau environné, surtout au nord-ouest, d’épaisses murailles ; j’en fis deux fois le tour, et je comptai mille cinq cent soixante et mille cinq cent soixante-six pas communs, ou à peu près sept cent quatre-vingts pas géométriques ; mais il faut remarquer que j’embrasse dans ce circuit le sommet entier de la colline, y compris la courbe que forme l’excavation du théâtre dans cette colline : c’est ce théâtre que Leroi a examiné.
Des décombres, partie ensevelis sous terre, partie élevés au-dessus du sol, annoncent, vers le milieu de ce plateau, les fondements du temple de Minerve-Chalciœcos, où Pausanias se réfugia vainement et perdit la vie. Une espèce de rampe en terrasse, large de soixante-dix pieds, et d’une pente extrêmement douce, descend du midi de la colline dans la plaine. C’était peut-être le chemin par où l’on montait à la citadelle, qui ne devint très forte que sous les tyrans de Lacédémone.
À la naissance de cette rampe, et au-dessus du théâtre, je vis un petit édifice de forme ronde aux trois quarts détruit : les niches intérieures en paraissent également propres à recevoir des statues ou des urnes. Est-ce un tombeau ? Est-ce le temple de Vénus armée ? Ce dernier devait être à peu près dans cette position, et dépendant de la tribu des Égides. César, qui prétendait descendre de Vénus, portait sur son anneau l’empreinte d’une Vénus armée : c’était en effet le double emblème des faiblesses et de la gloire de ce grand homme.

François-René de Chateaubriand, Œuvres complètes, tome 5, Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1828, pp. 151-152.

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Athènes

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Première partie : voyage en Grèce, 1811
En visitant Athènes en compagnie du consul de France, Louis-François-Sébastien Fauvel, Chateaubriand apprécie la beauté des ruines, tout en déplorant leur pillage par les archéologues amateurs. S’il blâme autant les Français que les Anglais, ces derniers lui semblent plus condamnables, car incapables d’apprécier la beauté des monuments associée à celle des paysages qui les ont vu naître. Pour eux, la place des antiquités est forcément dans un musée en Angleterre, ce que Chateaubriand semble déplorer. Il oublie cependant que les Français avaient été les premiers à saisir tableaux, statues et objets d’art dans les pays occupés par les armées révolutionnaires pour les envoyer au musée du Louvre. Son plaidoyer pour la conservation et la restauration des monuments anciens sera cependant repris en France dans les années qui suivirent, avec la mise en place de protection des « monuments historiques ».

Par quelle fatalité ces chefs-d’œuvre de l’antiquité, que les modernes vont admirer si loin et avec tant de fatigues, doivent-ils en partie leur destruction aux modernes  ? Le Parthénon subsista dans son entier jusqu’en 1687 : les chrétiens le convertirent d’abord en église, et les Turcs, par jalousie des chrétiens, le changèrent à leur tour en mosquée. Il faut que des Vénitiens viennent, au milieu des lumières du 17e siècle, canonner les monuments de Périclès ; ils tirent à boulets rouges sur les Propylées et le temple de Minerve ; une bombe tombe sur ce dernier édifice, enfonce la voûte, met le feu à des barils de poudre et fait sauter en partie un édifice qui honorait moins les faux dieux des Grecs que le génie de l’homme. La ville étant prise, Morosini, dans le dessein d’embellir Venise des débris d’Athènes, veut descendre les statues du fronton du Parthénon, et les brise. Un autre moderne vient d’achever, par amour des arts, la destruction que les Vénitiens avaient commencée.
J’ai souvent eu l’occasion de parler de lord Elgin dans cet Itinéraire : on lui doit, comme je l’ai dit, la connaissance plus parfaite du Pnyx et du tombeau d’Agamemnon ; il entretient encore en Grèce un Italien chargé de diriger des fouilles, et qui découvrit, comme j’étais à Athènes, des antiques que je n’ai point vues. Mais lord Elgin a perdu le mérite de ses louables entreprises en ravageant le Parthénon. Il a voulu faire enlever les bas-reliefs de la frise : pour y parvenir, des ouvriers turcs ont d’abord brisé l’architrave et jeté en bas des chapiteaux ; ensuite, au lieu de faire sortir les métopes par leurs coulisses, les barbares ont trouvé plus court de rompre la corniche. Au temple d’Erechthée, on a pris la colonne angulaire ; de sorte qu’il faut soutenir aujourd’hui avec une pile de pierres l’entablement entier qui menace ruine.
Les Anglais qui ont visité Athènes depuis le passage de lord Elgin ont eux-mêmes déploré ces funestes effets d’un amour des arts peu réfléchi. On prétend que lord Elgin a dit pour excuse qu’il n’avait fait que nous imiter. Il est vrai que les Français ont enlevé à l’Italie ses statues et ses tableaux, mais ils n’ont point mutilé les temples pour en arracher les bas-reliefs ; ils ont seulement suivi l’exemple des Romains, qui dépouillèrent la Grèce des chefs-d’œuvre de la peinture et de la statuaire. Les monuments d’Athènes, arrachés aux lieux pour lesquels ils étaient faits, perdront non seulement une partie de leur beauté relative, mais ils diminueront matériellement de beauté. Ce n’est que la lumière qui fait ressortir la délicatesse de certaines lignes et de certaines couleurs : or, cette lumière venant à manquer sous le ciel de l’Angleterre, ces lignes et ces couleurs disparaîtront ou resteront cachées. Au reste, j’avouerai que l’intérêt de la France, la gloire de notre patrie et mille autres raisons pouvaient demander la transplantation des monuments conquis par nos armes ; mais les beaux-arts eux-mêmes, comme étant du parti des vaincus et au nombre des captifs, ont peut-être le droit de s’en affliger.
Nous employâmes la matinée entière à visiter la citadelle. Les Turcs avaient autrefois accolé le minaret d’une mosquée au portique du Parthénon. Nous montâmes par l’escalier à moitié détruit de ce minaret ; nous nous assîmes sur une partie brisée de la frise du temple, et nous promenâmes nos regards autour de nous. Nous avions le mont Hymette à l’est, le Pentélique au nord, le Parnès au nord-ouest, les monts Icare, Cordyalus ou Œgalée à l’ouest, et par-dessus le premier on apercevait la cime du Cithéron ; au sud-ouest et au midi on voyait la mer, le Pirée, les côtes de Salamine, d’Égine, d’Épidaure, et la citadelle de Corinthe.
Au-dessous de nous, dans le bassin dont je viens de décrire la circonférence, on distinguait les collines et la plupart des monuments d’Athènes ; au sud-ouest, la colline du Musée avec le tombeau de Philopappus ; à l’ouest, les rochers de l’Aréopage, du Pnyx et du Lycabettus ; au nord, le petit mont Anchesme, et à l’est les hauteurs qui dominent le Stade. Au pied même de la citadelle, on voyait les débris du théâtre de Bacchus et d’Hérode Atticus. À la gauche de ces débris venaient les grandes colonnes isolées du temple de Jupiter Olympien ; plus loin encore, en tirant vers le nord-est, on apercevait l’enceinte du Lycée, le cours de l’Ilissus, le Stade et un temple de Diane ou de Cérès. Dans la partie de l’ouest et du nord-ouest, vers le grand bois d’oliviers, M. Fauvel me montrait la place du Céramique extérieur, de l’Académie et de son chemin bordé de tombeaux. Enfin, dans la vallée formée par l’Anchesme et la citadelle, on découvrait la ville moderne.

François-René de Chateaubriand, Œuvres complètes, tome 5, Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1828, pp. 191-193.

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Jérusalem

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Quatrième partie : voyage de Jérusalem, 1811
Après avoir cité la description de l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem du diplomate français Louis Deshayes de Courmenin, Chateaubriand décrit à son tour les circonstances de sa visite et les sentiments qui l’assaillent lors de sa découverte du tombeau du Christ. Les conditions de vie et les péripéties du voyage passent largement au second plan dans toute cette partie du récit où Chateaubriand découvre les monuments de la Ville Sainte. Comme dans ses récits et descriptions des ruines de la Grèce, l’auteur mêle des considérations sur l’histoire et l’architecture à l’évocation d’émotions extrêmement profondes.

Quoi qu’il en soit, la fondation de l’église du Saint-Sépulcre remonte au moins au règne de Constantin : il nous reste une lettre de ce prince, qui ordonne à Macaire, évêque de Jérusalem, d’élever une église sur le lieu où s’accomplit le grand mystère du salut. Eusèbe nous a conservé cette lettre. L’évêque de Césarée fait ensuite la description de l’église nouvelle, dont la dédicace dura huit jours. Si le récit d’Eusèbe avait besoin d’être appuyé par des témoignages étrangers, on aurait ceux de Cyrille, évêque de Jérusalem (Catéch., 1-10-13), de Théodoret, et même de l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, en 333 Ibidem, jussu Constantini imperatoris, basilica facta est mirae pulchritudinis.
Cette église fut ravagée par Cosroès II, roi de Perse, environ trois siècles après qu’elle eut été bâtie par Constantin. Héraclius reconquit la vraie croix, et Modeste, évêque de Jérusalem, rétablit l’église du Saint-Sépulcre. Quelque temps après, le calife Omar s’empara de Jérusalem, mais il laissa aux chrétiens le libre exercice de leur culte. Vers l’an 1009, Hequem ou Hakem, qui régnait en Égypte, porta la désolation au tombeau de Jésus-Christ. Les uns veulent que la mère de ce prince, qui était chrétienne, ait fait encore relever les murs de l’église abattue ; les autres disent que le fils du calife d’Égypte, à la sollicitation de l’empereur Argyropile, permit aux fidèles d’enfermer les saints lieux dans un monument nouveau. Mais comme à l’époque du règne de Hakem les chrétiens de Jérusalem n’étaient ni assez riches ni assez habiles pour bâtir l’édifice qui couvre aujourd’hui le Calvaire ; comme, malgré un passage très suspect de Guillaume de Tyr, rien n’indique que les croisés aient fait construire à Jérusalem une église du Saint-Sépulcre, il est probable que l’église fondée par Constantin a toujours subsisté telle qu’elle est, du moins quant aux murailles du bâtiment. La seule inspection de l’architecture de ce bâtiment suffirait pour démontrer la vérité de ce que j’avance.
Les croisés s’étant emparés de Jérusalem, le 15 juillet 1099, arrachèrent le tombeau de Jésus-Christ des mains des infidèles. Il demeura quatre-vingt-huit ans sous la puissance des successeurs de Godefroy de Bouillon. Lorsque Jérusalem retomba sous le joug musulman, les Syriens rachetèrent à prix d’or l’église du Saint-Sépulcre, et des moines vinrent défendre avec leurs prières des lieux inutilement confiés aux armes des rois : c’est ainsi qu’à travers mille révolutions la foi des premiers chrétiens nous avait conservé un temple qu’il était donné à notre siècle de voir périr.
Les premiers voyageurs étaient bien heureux ; ils n’étaient point obligés d’entrer dans toutes ces critiques : premièrement, parce qu’ils trouvaient dans leurs lecteurs la religion qui ne dispute jamais avec la vérité ; secondement, parce que tout le monde était persuadé que le seul moyen de voir un pays tel qu’il est, c’est de le voir avec ses traditions et ses souvenirs. C’est en effet la Bible et l’Évangile à la main que l’on doit parcourir la Terre Sainte. Si l’on veut y porter un esprit de contention et de chicane, la Judée ne vaut pas la peine qu’on l’aille chercher si loin. Que dirait-on d’un homme qui, parcourant la Grèce et l’Italie, ne s’occuperait qu’à contredire Homère et Virgile ? Voilà pourtant comme on voyage aujourd’hui : effet sensible de notre amour-propre, qui veut nous faire passer pour habiles en nous rendant dédaigneux.
Les lecteurs chrétiens demanderont peut-être à présent quels furent les sentiments que j’éprouvai en entrant dans ce lieu redoutable ; je ne puis réellement le dire. Tant de choses se présentaient à la fois à mon esprit, que je ne m’arrêtais à aucune idée particulière. Je restai près d’une demi-heure à genoux dans la petite chambre du Saint-Sépulcre, les regards attachés sur la pierre sans pouvoir les en arracher. L’un des deux religieux qui me conduisaient demeurait prosterné auprès de moi, le front sur le marbre ; l’autre, l’Évangile à la main, me lisait à la lueur des lampes les passages relatifs au saint tombeau. Entre chaque verset il récitait une prière Domine Jesu Christe, qui in hora diei vespertina de cruce depositus, in brachiis dulcissimae Matris tuae reclinatus fuisti, horaque ultima in hoc sanctissimo monumento corpus tuum exanime contulisti, etc. Tout ce que je puis assurer, c’est qu’à la vue de ce sépulcre triomphant je ne sentis que ma faiblesse ; et quand mon guide s’écria avec saint Paul Ubi est, Mors, victoria tua ? Ubi est, Mors, stimulus tuus ? je prêtai l’oreille, comme si la Mort allait répondre qu’elle était vaincue et enchaînée dans ce monument.
Nous parcourûmes les stations jusqu’au sommet du Calvaire. Où trouver dans l’antiquité rien d’aussi touchant, rien d’aussi merveilleux que les dernières scènes de l’Évangile ? Ce ne sont point ici les aventures bizarres d’une divinité étrangère à l’humanité : c’est l’histoire la plus pathétique, histoire qui non seulement fait couler des larmes par sa beauté, mais dont les conséquences, appliquées à l’univers, ont changé la face de la terre. Je venais de visiter les monuments de la Grèce, et j’étais encore tout rempli de leur grandeur ; mais qu’ils avaient été loin de m’inspirer ce que j’éprouvais à la vue des lieux saints !
L’église du Saint-Sépulcre, composée de plusieurs églises, bâtie sur un terrain inégal, éclairée par une multitude de lampes, est singulièrement mystérieuse ; il y règne une obscurité favorable à la piété et au recueillement de l’âme. Des prêtres chrétiens des différentes sectes habitent les différentes parties de l’édifice. Du haut des arcades, où ils se sont nichés comme des colombes, du fond des chapelles et des souterrains, ils font entendre leurs cantiques à toutes les heures du jour et de la nuit ; l’orgue du religieux latin, les cymbales du prêtre abyssin, la voix du caloyer grec, la prière du solitaire arménien, l’espèce de plainte du moine cophte, frappent tour à tour ou tout à la fois votre oreille ; vous ne savez d’où partent ces concerts ; vous respirez l’odeur de l’encens sans apercevoir la main qui le brûle : seulement vous voyez passer, s’enfoncer derrière des colonnes, se perdre dans l’ombre du temple, le pontife qui va célébrer les plus redoutables mystères aux lieux mêmes où ils se sont accomplis.
Je ne sortis point de l’enceinte sacrée sans m’arrêter aux monuments de Godefroy et de Baudouin : ils font face à la porte de l’église et sont appuyés contre le mur du chœur. Je saluai les cendres de ces rois chevaliers qui méritèrent de reposer près du grand sépulcre qu’ils avaient délivré. Ces cendres sont des cendres françaises et les seules qui soient ensevelies à l’ombre du tombeau de Jésus-Christ. Quel titre d’honneur pour ma patrie !
Je retournai au couvent à onze heures et j’en sortis de nouveau à midi pour suivre la voie Douloureuse : on appelle ainsi le chemin que parcourut le Sauveur du monde en se rendant de la maison de Pilate au Calvaire.

François-René de Chateaubriand, Œuvres complètes, tome 5, Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1828, pp. 316-318.

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Le Caire

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Sixième partie : voyage d’Égypte, 1811
Après avoir quitté Jérusalem, Chateaubriand se rend en Egypte, où il visite rapidement les pyramides. Son passage au pays des pharaons lui permet de mêler des considérations philosophiques et historiques avec des souvenirs, bien plus concrets, de l’expédition d’Égypte menée par Bonaparte quelques années plus tôt.
 

Bientôt, dans l’espace vide que laissait l’écartement de ces deux chaînes de montagnes, nous découvrîmes le sommet des Pyramides : nous en étions à plus de dix lieues. Pendant le reste de notre navigation, qui dura encore près de huit heures, je demeurai sur le pont à contempler ces tombeaux ; ils paraissaient s’agrandir et monter dans le ciel à mesure que nous approchions. Le Nil, qui était alors comme une petit mer ; le mélange des sables du désert et de la plus fraîche verdure ; les palmiers, les sycomores, les dômes, les mosquées et les minarets du Caire ; les pyramides lointaines de Sacarah, d’où le fleuve semblait sortir comme de ses immenses réservoirs ; tout cela formait un tableau qui n’a point son égal sur la terre. « Mais quelque effort que fassent les hommes, dit Bossuet, leur néant paraît partout : ces pyramides étaient des tombeaux ! encore les rois qui les ont bâties n’ont-ils pas eu le pouvoir d’y être inhumés, et ils n’ont pas joui de leur sépulcre. »
J’avoue pourtant qu’au premier aspect des Pyramides, je n’ai senti que de l’admiration. Je sais que la philosophie peut gémir ou sourire en songeant que le plus grand monument sorti de la main des hommes est un tombeau ; mais pourquoi ne voir dans la pyramide de Chéops qu’un amas de pierres et un squelette ? Ce n’est point par le sentiment de son néant que l’homme a élevé un tel sépulcre, c’est par l’instinct de son immortalité : ce sépulcre n’est point la borne qui annonce la fin d’une carrière d’un jour, c’est la borne qui marque l’entrée d’une vie sans terme ; c’est une espèce de porte éternelle bâtie sur les confins de l’éternité. « Tous ces peuples (d’Égypte), dit Diodore de Sicile, regardant la durée de la vie comme un temps très court et de peu d’importance, font au contraire beaucoup d’attention à la longue mémoire que la vertu laisse après elle : c’est pourquoi ils appellent les maisons des vivants des hôtelleries, par lesquelles on ne fait que passer ; mais ils donnent le nom de demeures éternelles aux tombeaux des morts, d’où l’on ne sort plus. Ainsi les rois ont été comme indifférents sur la construction de leurs palais, et ils se sont épuisés dans la construction de leurs tombeaux. »
On voudrait aujourd’hui que tous les monuments eussent une utilité physique, et l’on ne songe pas qu’il y a pour les peuples une utilité morale d’un ordre fort supérieur, vers laquelle tendaient les législations de l’antiquité. La vue d’un tombeau n’apprend-elle donc rien ?
Si elle enseigne quelque chose, pourquoi se plaindre qu’un roi ait voulu rendre la leçon perpétuelle ? Les grands monuments font une partie essentielle de la gloire de toute société humaine. À moins de soutenir qu’il est égal pour une nation de laisser ou de ne pas laisser un nom dans l’histoire, on ne peut condamner ces édifices qui portent la mémoire d’un peuple au-delà de sa propre existence et le font vivre contemporain des générations qui viennent s’établir dans ses champs abandonnés. Qu’importe alors que ces édifices aient été des amphithéâtres ou des sépulcres ? Tout est tombeau chez un peuple qui n’est plus. Quand l’homme a passé, les monuments de sa vie sont encore plus vains que ceux de sa mort : son mausolée est au moins utile à ses cendres ; mais ses palais gardent-ils quelque chose de ses plaisirs ?
Sans doute, à le prendre à la rigueur, une petite fosse suffit à tous, et six pieds de terre, comme le disait Mathieu Molé, feront toujours raison du plus grand homme du monde. Dieu peut être adoré sous un arbre comme sous le dôme de Saint-Pierre, on peut vivre dans une chaumière comme au Louvre ; le vice de ce raisonnement est de transporter un ordre de choses dans un autre. D’ailleurs, un peuple n’est pas plus heureux quand il vit ignorant des arts que quand il laisse des témoins éclatants de son génie. On ne croit plus à ces sociétés de bergers qui passent leurs jours dans l’innocence, en promenant leur doux loisir au fond des forêts. On sait que ces honnêtes bergers se font la guerre entre eux pour manger les moutons de leurs voisins. Leurs grottes ne sont ni tapissées de vignes ni embaumées du parfum des fleurs ; on y est étouffé par la fumée et suffoqué par l’odeur des laitages. En poésie et en philosophie, un petit peuple à demi barbare peut goûter tous les biens ; mais l’impitoyable histoire le soumet aux calamités du reste des hommes. Ceux qui crient tant contre la gloire ne seraient-ils pas un peu amoureux de la renommée ? Pour moi, loin de regarder comme un insensé le roi qui fit bâtir la grande Pyramide, je le tiens au contraire pour un monarque d’un esprit magnanime. L’idée de vaincre le temps par un tombeau, de forcer les générations, les mœurs, les lois, les âges à se briser au pied d’un cercueil, ne saurait être sortie d’une âme vulgaire. Si c’est là de l’orgueil, c’est du moins un grand orgueil. Une vanité comme celle de la grande Pyramide, qui dure depuis trois ou quatre mille ans, pourrait bien à la longue se faire compter pour quelque chose.
Au reste, ces Pyramides me rappelèrent des monuments moins pompeux, mais qui toutefois étaient aussi des sépulcres ; je veux parler de ces édifices de gazon qui couvrent les cendres des Indiens au bord de l’Ohio. Lorsque je les visitai, j’étais dans une situation d’âme bien différente de celle où je me trouvais en contemplant les mausolées des Pharaons : je commençais alors le voyage, et maintenant je le finis. Le monde, à ces deux époques de ma vie, s’est présenté à moi précisément sous l’image des deux déserts, où j’ai vu ces deux espèces de tombeaux : des solitudes riantes, des sables arides.
Nous abordâmes à Boulacq, et nous louâmes des chevaux et des ânes pour le Caire. Cette ville, que dominent l’ancien château de Babylone et le mont Moqattam, présente un aspect assez pittoresque, à cause de la multitude des palmiers, des sycomores et des minarets qui s’élèvent de son enceinte. Nous y entrâmes par des voiries et par un faubourg détruit, au milieu des vautours qui dévoraient leur proie. Nous descendîmes à la contrée des Francs, espèce de cul-de-sac dont on ferme l’entrée tous les soirs, comme les cloîtres extérieurs d’un couvent. Nous fûmes reçus par M.…, à qui M. Drovetti avait confié le soin des affaires des Français au Caire. Il nous prit sous sa protection, et envoya prévenir le pacha de notre arrivée ; il fit en même temps avertir les cinq mamelucks français, afin qu’ils nous accompagnassent dans nos courses.
Ces mamelucks étaient attachés au service du pacha. Les grandes armées laissent toujours après elles quelques traîneurs : la nôtre perdit ainsi deux ou trois cents soldats, qui restèrent éparpillés en Égypte. Ils prirent parti sous différents beys, et furent bientôt renommés par leur bravoure. Tout le monde convenait que si ces déserteurs, au lieu de se diviser entre eux, s’étaient réunis et avaient nommé un bey français, ils se seraient rendus maîtres du pays. Malheureusement ils manquèrent de chef et périrent presque tous à la solde des maîtres qu’ils avaient choisis. Lorsque j’étais au Caire, Mahamed-Ali-Pacha pleurait encore la mort d’un de ces braves. Ce soldat, d’abord petit tambour dans un de nos régiments, était tombé entre les mains des Turcs par les chances de la guerre : devenu homme, il se trouva enrôlé dans les troupes du pacha. Mahamed, qui ne le connaissait point encore, le voyant charger un gros d’ennemis, s’écria : « Quel est cet homme ? Ce ne peut être qu’un Français ; » et c’était en effet un Français. Depuis ce moment il devint le favori de son maître, et il n’était bruit que de sa valeur. Il fut tué peu de temps avant mon arrivée en Égypte, dans une affaire où les cinq autres mamelucks perdirent leurs chevaux.
Ceux-ci étaient Gascons, Languedociens et Picards. leur chef s’avouait le fils d’un cordonnier de Toulouse. Le second en autorité après lui servait d’interprète à ses camarades. Il savait assez bien le turc et l’arabe, et disait toujours en français j’étions, j’allions, je faisions. Un troisième, grand jeune homme maigre et pâle, avait vécu longtemps dans le désert avec les Bedouins, et il regrettait singulièrement cette vie. Il me contait que quand il se trouvait seul dans les sables, sur un chameau, il lui prenait des transports de joie dont il n’était pas le maître. Le pacha faisait un tel cas de ces cinq mamelucks, qu’il les préférait au reste de ses spahis : eux seuls retraçaient et surpassaient l’intrépidité de ces terribles cavaliers détruits par l’armée française à la journée des Pyramides. Nous sommes dans le siècle des merveilles ; chaque Français semble être appelé aujourd’hui à jouer un rôle extraordinaire : cinq soldats tirés des derniers rangs de notre armée se trouvaient en 1806 à peu près les maîtres au Caire. Rien n’était amusant et singulier comme de voir Abdallah de Toulouse prendre les cordons de son cafetan, en donner par le visage des Arabes et des Albanais qui l’importunaient, et nous ouvrir ainsi large chemin dans les rues les plus populeuses. Au reste, ces rois par l’exil avaient adopté, à l’exemple d’Alexandre, les mœurs des peuples conquis ; ils portaient de longues robes de soie, de beaux turbans blancs, de superbes armes ; ils avaient un harem, des esclaves, des chevaux de première race ; toutes choses que leurs pères n’ont point en Gascogne et en Picardie. Mais au milieu des nattes, des tapis, des divans que je vis dans leur maison, je remarquai une dépouille de la patrie : c’était un uniforme haché de coups de sabre, qui couvrait le pied d’un lit fait à la française.

François-René de Chateaubriand, Œuvres complètes, tome 5, Nendeln (Liechtenstein), Kraus reprint, 1828, pp. 405-408.

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