Imprimer et illustrer en couleur












Le livre manuscrit était un objet coloré, souvent orné d’enluminures, et le texte était scandé par des éléments à la fois ornementaux et structurants. Aussi les tout premiers imprimeurs s’attachèrent-ils à confier ces éléments à la presse, et Gutenberg s’efforça d’imprimer, dès sa Bible à 42 lignes, quelques mots en rouge. Malgré tout, on estime à seulement 15 % la part d’incunables à porter des caractères en couleur. La mécanisation de la mise en couleur des illustrations, quant à elle, apparaît plus tardivement. La figure déterminante dans ce domaine fut Erhard Ratdolt, actif à Augsbourg et à Venise.
L’impression en deux couleurs
Trois ans après la Bible de Gutenberg, Johann Fust et Peter Schöffer poussèrent plus loin l’expérimentation, recourant de façon quasi systématique à l’impression en couleur des rubriques de leur Psautier, et y ajoutant des initiales ornées combinant souvent deux couleurs, le rouge et le bleu, imprimées à partir de matrices gravées sur métal en relief. En outre, le texte en noir et rouge ainsi que les nombreuses lettres ornées en deux couleurs sont imprimés simultanément – véritable tour de force car tout caractère en rouge et chaque partie des initiales devaient être encrés séparément.
En sortant de la presse le psautier était ainsi presque prêt à l’usage car seules les portées et les notes de musique devaient encore être ajoutées à la main.
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L’impression en trois couleurs
Dans ce traité d’astronomie de Sacrobosco, le plus important de l’époque médiévale, l’apport de la couleur dans les illustrations est déterminant pour la compréhension du discours scientifique, portant en l’occurrence sur les éclipses lunaires et solaires. Alors que dans une édition antérieure qu’Erhard Ratdolt avait publiée en 1482, le rouge et le jaune étaient apposés à la main, l’édition de 1485 imprimée à Venise comporte des motifs portant trois couleurs imprimées. Chaque couleur (ocre, rouge et jaune) nécessitait un bois particulier et un tirage distinct et les difficultés imposées par leur repérage expliquent certains décalages.
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L’impression en cinq couleurs
Regagnant Augsbourg en 1486, Ratdolt y poursuivit ses expériences, imprimant jusqu’à cinq couleurs dans une même édition, et ouvrant ainsi la voie à l’art de la gravure en couleur.
Cette feuille est sans doute l’une de celles où Ratdolt pousse le plus loin ses expérimentations sur la couleur, qui ont toutes été ici imprimées, à partir de cinq planches distinctes. L’effet est éclatant ; pourtant, Ratdolt lui-même renoncera à l’impression polychrome à partir de 1496.
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L’impression à la feuille d’or
Si Ratdolt renonce à l’impression polychrome, il continue d’imprimer les caractères en rouge et à l’or, comme ici dans la dédicace au doge de Venise du colophon de cette édition de Conrad Peutinger, humaniste et conseiller de l’empereur Maximilien Ier. Ce dernier s’enorgueillit du résultat et envoya un exemplaire de l’ouvrage à Wittenberg, à la cour du prince électeur de Saxe. S’ensuivit une compétition entre les deux cours, qui contribua au développement de la technique du clair-obscur. Mais si l’or était déposé par flocage sur les éditions de prestige, les autres exemplaires étaient imprimés classiquement.
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Le clair-obcur
Ce frontispice résulte d’un travail inhabituel de la planche de bois, puisque l’artiste a gravé le motif au lieu de l’épargner. Le dessin apparaît ainsi en blanc tandis que le fond se couvre de noir. Peut-être l’imprimeur, actif à Ausgbourg, fut-il inspiré par les expérimentations autour de la couleur que Ratdolt y avait intensément menées dans les dernières années du 15e siècle.
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Vers la perfection du dessin imprimé
Dans le sillage de Ratdolt, à partir de 1507-1508, les graveurs s’approprièrent la technique de la gravure sur bois en couleurs, lui conférant sa véritable fortune, alors que les imprimeurs de la Renaissance délaissèrent ce procédé trop complexe au profit de la traditionnelle mise en couleur à la main.
À Augsbourg en 1508, Conrad Peutinger, conseiller artistique de l’empereur, charge Burgkmair de rivaliser avec Lucas Cranach qui, à Wittenberg, venait tout juste de graver sur bois un Saint Georges imprimé à l’or. Le Saint Georges et le dragon de Burgkmair, qui a pour pendant un portrait équestre de Maximilien Ier, est le fruit de cette émulation. Si le procédé technique dérive sans conteste des expérimentations menées par Ratdolt autour de la couleur, les effets esthétiques sont pourtant bien différents.
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Le premier livre d’artiste
Parmi les ambitieux projets éditoriaux de la fin du 15e siècle qui accordent une place particulière à l’image, les Saintes Pérégrinations parues à Mayence en 1486 constituent un jalon déterminant. Elles sont le fruit de l’association entre l’auteur voyageur, Bernhard von Breydenbach, et l’artiste chargé de l’accompagner afin de garder une trace visuelle du périple, Erhard Reuwich.
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Le premier livre d’artiste
L’œuvre comporte quantité d’illustrations, vues de villes, portraits des habitants du Levant et représentation de la faune locale. Quatre vues topographiques sont exceptionnelles par leur format. La plus grande est celle de Venise, peut-être exécutée d’après un original perdu de Gentile Bellini, mesurant plus d’un mètre soixante de longueur. La couleur y a été apposée à la main.
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Le premier livre d’artiste
Cet ouvrage est souvent présenté comme le premier livre d’artiste car Reuwich est à plusieurs reprises mentionné dans le texte comme peintre et imprimeur. L’impression a sans doute eut lieu dans l’atelier de Peter Schöffer, mais Reuwich dut en superviser l’exécution.
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Le premier livre d’artiste
L’ouvrage remporta un grand succès : il fut édité en trois langues (latin, allemand et hollandais) entre 1486 et 1488, et traduit en français, en espagnol et en tchèque avant 1500.
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Des bois qui circulent
Les bois de l’ouvrage imprimé par Peter Schöffer, pour Erhard Reuwich, furent copiés plusieurs fois, notamment à Lyon en 1488, dans l’édition française que l’on voit ici, traduite par Nicolas Le Huen. Cet ouvrage est aussi l’un des premiers imprimés parus en France à comporter des illustrations en taille-douce.
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Un ouvrage trop ambitieux ?
Dans la décennie 1490, la ville de Nuremberg s’imposa comme l’une des capitales européennes du livre imprimé illustré. L’atelier de Michael Wolgemut, le plus important peintre de la cité impériale, se spécialisa dans la conception de xylographies d’illustration. En sont issus les plus de mille huit cents bois qui ornent la Chronique de Nuremberg. Mais l’œuvre était tellement ambitieuse qu’elle peina à trouver son public.
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Bibliothèque nationale de France : d’après les textes de Nathalie Coilly, Réserve des Livres rares, et Caroline Vrand, département des Estampes et de la photographie, pour le catalogue de l’exposition Imprimer ! L’Europe de Gutenberg, 1450-1520, 2023.