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Atelier de Daniel Rabel, Grand bal de la douairière de Billebahaut, 1626

Entrée de Mahomet et ses docteurs
Atelier de Daniel Rabel, Grand bal de la douairière de Billebahaut, 1626
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Le Grand bal de la douairière de Billebahaut est un ballet burlesque en cinq parties composant 34 entrées, dansé par le roi Louis XIII, douze seigneurs de sa cour et des danseurs professionnels. Le ballet a été commandé à grands frais, inventé et offert au roi par le comte de Nemours, Henri Ier de Savoie, chargé de régler les spectacles de la cour après la mort du duc de Luynes en décembre 1621. La trame du récit est celle de la réception des noces ridicules d’une douairière, c’est-à-dire une veuve, que son mari a fait hériter d’une rente confortable et d'un Fanfan de Sotteville, terme populaire utilisé normalement par les pères pour caresser leurs femmes et leurs enfants. 
Ce ballet jouait sur les effets de ridicule et de grotesque et la mise en dérision par le contraste entre un idéal et sa présentation de manière dérisoire et comique, très prisés à l’époque dans les ballets de Louis XIII, dont les costumes sont les reflets vestimentaires. À cela s’ajoute le goût de l’antithèse, du paradoxe et de l’ambiguïté. La dimension burlesque reposait surtout sur les danses qui participaient à des récits eux-mêmes railleurs, insistant sur l’ambiguïté des performances des danseurs et usant d’expressions familières et de proverbes pour renforcer ce contraste entre bon et mauvais. Enfin, la dimension satirique ajoute aux cibles traditionnelles (cocus, gueux chapardeurs, etc.) des cibles plus politiques telles Gaston d’Orléans, frère du roi.

Ce dessin représente des costumes pour la deuxième partie du ballet, intitulée “Ballets de l'Asie”. La plupart des costumes reposaient sur un savoir-faire et sur un imaginaire exotique voire fantaisiste, de l’animalier réalisé grâce à des machines et de l'étrangeté (dans le double sens de étrange et de étranger). À cela s’ajoute la forte présence visuelle d’une culture populaire, le goût pour la déformation des corps par le costume et les effets comiques et de dérision qui jalonnent et fondent le cœur du ballet. Chaque partie était l’occasion d’un ballet-mascarade distinct précédé d’un récit et composé d’entrées sur un thème commun.
C'est un Orient proche, sous domination ottomane, qui est ici représenté. Ces costumes sont caractéristiques des fantasmes liés à l’Asie à l’époque. Il associe des vêtements occidentaux, un turban et des attributs orientaux comme les tissus découpés, de couleurs vives, les entrelacs typiques du style “à la turque” ou les motifs de fleurs, tels qu’on les voyait dans les recueils d’habits comme ceux de Robert Boissard. L’élément clef de cette “orientalisation” est cependant le turban gigantesque. Les masques grimaçant sont les agents de la dérision des docteurs musulmans et de leur savoir donc d’une satire appuyée de l’Islam accusé d’imposture et de sottises. Le ballet de l’Asie se confronte aux représentants du monde musulman pour mettre en scène le rêve messianique de reconquête des lieux saints et critiquer la science et les écrits du Coran comme l’indique “son Turban & sa science jaune & verte”, couleurs traditionnelles du fou. Les deux personnages à gauche portent sur leur dos un exemplaire ouvert du Coran.
Cette image n'est pas sans rapeller la “turquerie” du Bourgeois gentilhomme de Molière (y compris dans le détail du Coran porté sur le dos) malgré la distance chronologique. Mais Molière n’avait sans doute pas accès aux dessins de Rabel : a-t-il eu recours à la mémoire d’hommes de spectacle ?

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1626
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Dessin de Daniel Rabel (1578?-1637)
  • Description technique
    Plume, gouache et aquarelle, 244 x 389 mm
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la photographie, RESERVE FOL-QB-3

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm572qtbzs06