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Cheminée ornée d’un tableau représentant Minerve et Vénus

Jean Barbet, Livre d’architecture d’autels et de cheminées, planche 7
Cheminée ornée d’un tableau représentant Minerve et Vénus
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Les conditions de la réalisation de cet ouvrage, gravé par Bosse d’après des dessins de Jean Barbet (vers 1605 - avant 1654), sont bien documentées puisque, a priori, comme le rappelle Emmanuel Coquery, “c’est le seul recueil français d’ornements de cette époque dont on ait encore le marché”. Cette pièce d’archives, datée du 25 février 1630, mentionne que Barbet s’engage à travailler pendant deux ans pour Tavernier à la réalisation de dessins qui lui seront commandés. “Le jeune architecte sera logé et nourri par l’éditeur, payé sur deux ans six cent cinquante livres [...].”
Ce document [...] montre le rôle central des éditeurs dans l’initiative de nouvelles suites d’ornements. L’ouvrage porte une longue dédicace de l’auteur au cardinal de Richelieu, ainsi qu’un avertissement au lecteur particulièrement intéressant puisque Barbet précise : “Ayant passé quelque temps à desseigner ce qu’il y a de beau dans Paris, je me suis exercé depuis a faire ce petit Ouvrage, que je vous donne.” Il est donc probable que l’on puisse retrouver des exemples de ces cheminées dans des bâtiments parisiens. En 1630, date à laquelle Barbet commence à élaborer ce projet, il n’est pas encore l’architecte éminent qu’il sera peu d’années plus tard. Tout d’abord au service de Gaston d’Orléans à Blois dès 1636, Jean Barbet, accompagné de son frère Denis, travaille sur les chantiers de la ville de Richelieu aux côtés de Le Mercier. Il est alors “entrepreneur et architecte de Monsieur frère unique du Roy, et des bastiments de Richelieu” avant d’être nommé “architecte du Roy en Touraine”.

Plusieurs recueils offrant des projets de cheminées ont été publiés au 17e siècle, les plus célèbres restant sans conteste ceux de Jean Marot (Livre des cheminées, Paris, 1661) ou de Jean Lepautre (Cheminées à la moderne, Paris, 1661), mais il convient surtout de mentionner celui de Pierre Collot (Pièces d’architecture où sont comprises plusieurs sortes de cheminées, Paris, 1633, dessins gravés par Antoine Lemercier), particulièrement important et publié en 1633, soit la même année que celui de Barbet. E. Coquery souligne à ce titre “que le seul meuble qui soit vraiment considéré par la gravure est la cheminée”. Jean Barbet s’adjoint pour ce livre la collaboration d’Abraham Bosse, il est possible cependant que ce choix ait été fait par Tavernier, puisqu’il est le commanditaire de l’ouvrage et que Bosse gravait encore dans son atelier à cette date.


L’ouvrage contient cinq planches d’autels et douze planches de cheminées. Autels et cheminées sont, par nature, destinés à décorer des lieux au caractère bien différent, mais ils sont rassemblés dans ce même livre, sans aucune incompatibilité, car traités par Barbet avec la même opulence un peu ostentatoire. Ces cheminées monumentales au décor luxueux, parfois même exubérant, témoignent d’une influence encore très marquée par l’école de Fontainebleau. Les motifs architecturaux et ornementaux sont empruntés au répertoire antique mais interprétés dans le style bellifontain. Cartouches, guirlandes de fruits, cuirs enroulés encadrent sur le trumeau une peinture dont le sujet est, lui, emprunté à la Fable. Barbet, aidé par le talent de Bosse, nous offre ainsi au fil des planches la représentation d’un art aulique et érudit.
Il est plutôt difficile de trouver des exemples directement inspirés de ces estampes destinées à être une source de modèles pour des réalisations futures. On peut cependant citer des pièces assez proches au château de Cheverny, au château de Skokloster en Suède ou encore dans la ville même de Richelieu. Cependant, c’est sans doute au musée de Tours qu’est conservée la cheminée la plus proche de l’un des dessins de Barbet. Acquise en 1957, puis mise en place dans le salon Louis XIII du musée, elle a été réalisée au 17e siècle par un “hûchier” dont l’atelier n’a pu encore être localisé. Cette cheminée est dorée et peinte “au naturel”, afin d’affirmer la présence du décor anthropomorphe, constitué de cariatides engainées, et celle des guirlandes de fleurs et fruits, exécutées en surcharges sur des motifs de cuirs.
De nombreuses scènes d’intérieur gravées par Bosse sont infiniment précieuses, car elles nous offrent un témoignage de l’utilisation de ces cheminées dans le décor et dans la vie quotidienne avec un réalisme fidèle. On peut citer en particulier Les Femmes à table en l’absence de leurs marisLe BalLe ToucherLes Vierges folles et les Vierges sages.

L’ouvrage comporte un titre gravé, illustré d’un tabernacle orné de statuettes des vertus, à l’emplacement de la porte duquel on lit : LIVRE / D’ARCHITECTVRE, / d’Autels, / et de Cheminees / DEDIE A MONSEIGNEVR / l’Eminentissime / Cardinal / Duc de RICHELIEV, &c. / De l’inuention / Et dessin / de / I. BARBET / Graué à leau forte / Par A. Bosse / M. DC. XXXIII. Sur la plinthe : A PARIS. Au-dessous du tabernacle : auec Priuilege - du Roy. / Et se vend Chez l’Autheur en la vieille ruë - du Temple, proche la fontaine à limage N.re Dame / Et Chez M. Tauernier, en l’isle du Palais, au coin de la rue de Harlay.
En bas à gauche, le n° : 9

 

Bibliothèque nationale de France   

  • Date
    1633
  • Lieu
    Paris, chez Melchior Tavernier
  • Auteur(es)
    Abraham Bosse (1604-1676), graveur, d’après Jean Barbet (v. 1605 - av. 1654)
  • Description technique
    Eau-forte, 201 x 145 mm
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la photographie, HD-5-PET FOL

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmv5qds0vqm0m