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« Tu oublieras aussi Henriette »

Histoire de ma vie
« Tu oublieras aussi Henriette »
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Prophétie, conseil ? En réalité, le souvenir d’Henriette ne quittera plus Casanova, et ne cesse de se retrouver au fil de la lecture des Mémoires.
De même, il n’oublie pas ses anciennes conquêtes, cherchant à savoir quelle a été leur vie. Et s’il se réjouit des destins de Christine, Marcoline ou Bellino-Thérèse, ceux de Bettine, de Lucie le plongent dans la tristesse.

Transcription du texte  :
« [J’ai rompu le silence pour lui dire qu’il était impossible que la voiture que Tronchin lui fournirait fût plus commode que la mienne, et que cela étant, elle me ferait plaisir la gardant pour elle, et me cédant celle que le banquier lui donnerait ; et elle y] consentit. En même temps elle me donna cinq rouleaux de cent louis chacun, les mettant elle-même dans ma poche, faible consolation à mon cœur trop accablé par une si cruelle séparation. Nous ne nous trouvâmes dans les dernières vingt-quatre heures riches d’autre éloquence que de celle que les soupirs, les larmes et les plus tendres embrassements fournissent à deux amants heureux qui se voient parvenus à la fin de leur bonheur, et qui forcés par la raison sévère doivent y consentir.
Henriette pour calmer ma douleur ne me flatta de rien. Elle me pria de ne pas m’informer d’elle, et de faire semblant de ne pas la connaître, si voyageant jamais en France je la trouvais quelque part. Elle me donna une lettre à remettre à Parme à M. d’Antoine, oubliant de me demander si je comptais y retourner ; mais je m’y suis déterminé sur-le-champ. Elle me pria de ne partir de Genève qu’après que j’aurais reçu une lettre qu’elle m’écrirait du premier endroit où elle s’arrêterait pour changer de chevaux. Elle partit à la pointe du jour, ayant près d’elle sa femme de compagnie, un laquais assis sur le siège du cocher, et un autre qui la précédait à cheval. Je ne suis remonté dans notre chambre qu’après avoir suivi des yeux la voiture, et longtemps après l’avoir perdue de vue. Après avoir ordonné au sommelier de ne venir dans ma chambre que lorsque les chevaux qui menaient Henriette seraient de retour, je me suis mis au lit espérant que le sommeil viendrait au secours de mon âme que la douleur accablait, et que mes larmes ne pouvaient pas soulager. »

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1789-1798
  • Lieu
    Dux
  • Auteur(es)
    Giacomo Casanova (1725-1798), auteur
  • Provenance

    BnF, Département des Manuscrits, NAF 28604 (2) fol. 188v

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1262002658