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Les Paons, couverture

Les Paons, couverture
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Fasciné par les gemmes et les bijoux comme l’atteste son recueil-écrin Les Paons de 1901, Robert de Montesquiou confesse dans la préface son souhait d’écrire « un livre dans lequel l’or des auréoles et le chaton des bijoux, la clarté des âmes pures et le carat des pierres fines se reflèteraient, se répliqueraient, échangeraient des regards de joyaux ». Il construit alors ses textes à la manière d’un long collier alternant perles et pierres précieuses comme titres évocateurs. Si les bijoux sont présents dans la prose de Robert de Montesquiou, les hommages à l’univers joaillier s’expriment également par la dédicace de certains poèmes à des créateurs de renoms. Il célèbre ainsi le travail et l’amour de René Lalique pour l’opale :

« Je sais un bijoutier amoureux des opales.
En vain le tenterait le plus pur diamant,
Il ne caressera que la gemme aux feux pâles
Dont l'irisation l’a choisi pour amant.

L’arc-en-ciel enfermé dans la mystique pierre,
Nuit et jour, le poursuit de ses rayons nacrés ;
C’est elle qu’il revoit en rouvrant la paupière,
Et qui, la nuit, le hante en des songes sacrés.

Il en fait des oiseaux mouches et des rosées,
Des insectes, des fleurs d’iris au bord des eaux,
Sur lesquelles des libellules sont posées
Et dont vous compteriez les délicats réseaux.

L’imprudent joaillier, en butte au maléfice
Qui réside en l’opale, ignore son destin ;
Il poursuit longuement son délicat office
Sans s’émouvoir de son désastre clandestin.

Car les femmes s’en vont chez d’autres lapidaires
Acheter des bijoux sans grâce et sans beauté ;
Cependant que la gemme aux menus lampadaires
Poursuit son crime, avec constance, et cruauté,

Et le joaillier meurt sur sa troublante opale
Que nul ne lui dispute et dont le feu moqueur
Miniaturisa pour ce Sardanapale,
Le cristallin bûcher qui consume son cœur ! »

(Robert Montesquiou, « Je sais un bijoutier… » dans Les Paons, Paris, G. Richard Éditeur, 1908, p. 447)

Par ailleurs, l’esthète décadent possède au sein de sa bibliothèque personnelle un ensemble de livres rares dédiés à l’art de la parure et aux pierres. L’ouvrage majeur du joaillier Henri Vever (1854-1942), qui aborde toute l’histoire de la bijouterie du 19e siècle, y est présent en édition de luxe et annoté d’un autographe de l’auteur : « À Monsieur le Comte Robert de Montesquiou, respectueux et sympathique hommage. Henri Vever. » 

L’étude de sa riche collection nous éclaire également sur les liens qu’il a noués avec le petit-fils du célèbre poète Victor Hugo. En effet, Robert de Montesquiou possède un des quinze exemplaires sur papier de hollande de Mon Grand-père, dédicacé par l’écrivain : « À Robert de Montesquiou, ce petit livre où je parle d’une bague qu’il a si bien chantée. Son ami. Georges-Victor Hugo ». Une mention qui nous permet d’aborder une autre extravagance de l’homme de lettres. Robert aurait demandé à Georges Victor Hugo s’il pouvait porter, le temps d’une journée comme un sacrement poétique, une bague ayant appartenu au poète :

« J’ai porté, tout un jour, la bague d’un Génie* ;
L’enfant du Grand Aïeul l’avait mise à mon doigt ;
Noble alliance avec le rythme et l’harmonie,
Fiançailles d’honneur que ma Muse lui doit.

Tout un jour, j’ai porté, l’anneau du Grand Poète,
Attendant, en mon cœur, la naissance du dieu,
L’éclosion du germe auguste, dans ma tête,
Et l’incendie, en moi, d’un invisible feu.

Mais l’anneau se faisait plus pesant d’heure en heure ;
L’Océan d’émail vert devenait son chaton,
La pierre était le roc de Guernesey qui pleure…
Et j’ai rendu la bague, en demandant pardon ! »

*(Victor Hugo)

Robert Montesquiou, « J’ai porté, tout un jour… » dans Les Paons, Paris, G. Richard Éditeur, 1908, p. 271.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1901
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Robert de Montesquiou (1855-1921), auteur ; René Lalique (1860-1945), illustrateur
  • Provenance

    BnF, département Arts du spectacle, 8-RF-67461

    Robert de Montesquiou, Les Paons, Paris : E. Fasquelle, 1901 (couverture).

  • Lien permanent
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