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« Miss Charpillon est plus putain que sa mère. » (suite)

Histoire de ma vie
« Miss Charpillon est plus putain que sa mère. » (suite)
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Transcription du texte :

« J’ai d’abord saisi sa belle idée, non pas par sentiment d’avarice ; mais pour avoir le plaisir d’appeler p... la coquine qui m’avait si malmené ; et me mettre à l’abri de la loi qui sur cet article-là est fort sévère.
J’ai donc chargé de ce soin Jarbe, qui étant Indien mon perroquet devenait une marchandise de son cru.
Les deux ou trois premiers jours, mon perroquet parlant français n’a pas eu une grande audience ; mais d’abord que quelqu’un qui connaissait l’héroïne fit attention à l’éloge que l’indiscret oiseau lui faisait, le cercle grossit, et on commença à marchander pour l’acquisition de la cage. Cinquante guinées paraissaient trop. Mon nègre désirait que je livrasse le tout à meilleur marché ; mais je n’y ai jamais consenti. J’étais devenu amoureux de mon vengeur. Combien j’ai ri quand au bout de sept à huit jours Goudar me conta l’effet qu’avait fait dans la famille de la Charpillon le bavardage de mon perroquet exposé en vente à la Bourse de Londres. Celui qui le vendait étant mon nègre, on ne doutait pas qu’il ne fût à moi, et que je fusse son maître de langue. Il me dit que la fille non seulement n’était point du tout sensible à cette histoire ; mais qu’elle la trouvait fort jolie, et en riait toute la journée. Les désespérées étaient les tantes, et la mère, qui avaient consulté sur cette affaire plusieurs avocats, qui leur avaient tous répondu qu’il n’y avait point de lois faites pour venger une calomnie dont l’auteur serait un perroquet ; mais qu’elles pourraient me faire coûter fort cher cette plaisanterie si elles pussent prouver que le perroquet était mon élève. Par cette raison Goudar m’avertit que je devais me garder de me vanter que l’oiseau était mon écolier, car deux témoins pourraient me perdre.
La facilité de trouver des faux témoins à Londres est quelque chose de fort scandaleux. J’ai vu un jour un écriteau à une fenêtre, où on lisait en lettres majuscules le mot témoin, pas davantage. Cela voulait dire que la personne qui logeait dans l’appartement faisait le métier de témoin. » (Histoire de ma vie, III, p. 274-275)

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1789-1798
  • Lieu
    Dux
  • Auteur(es)
    Giacomo Casanova (1725-1798), auteur
  • Provenance

    BnF, Département des Manuscrits, NAF 28604 (8) fol. 110

  • Lien permanent
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