Martine à l’école

Encore jeune étudiant de l’école Saint-Luc de Tournai, Marcel Marlier, né en 1930, est engagé par La Procure de Namur suite à un concours en 1949, pour illustrer des manuels scolaires et de catéchisme, puis recruté en exclusivité par Casterman, pour des contes et des romans dès 1951. En 1953, sur un texte de Jeanne Cappe, il réalise l’un des premiers titres de la nouvelle collection « Farandole », des albums presque carrés (25 x 20 cm) imprimés en couleurs très vives : Casterman est alors avant tout un imprimeur moderne et en avance sur ses concurrents français. 1954 voit Gilbert Delahaye (1923-1997), un poète, lui donner le texte de Martine à la ferme, puis en voyage, suivi en 1955 par Martine à la mer. Cinquante-sept albums, cinquante millions de livres en une cinquantaine de langues et d’innombrables produits dérivés plus tard, le phénomène d’édition est toujours vivace. C’est un euphémisme de dire que la critique n’a pas encensé cette œuvre, pourtant pleine de paradoxes : moderne dans les années 1950, toujours par le mobilier, les vêtements, certains lieux ou thèmes (l’école, le supermarché, l’avion), réaliste dans le dessin précisément documenté, elle est en même temps du côté du rêve, de la fantaisie, de l’irréel, par le goût pour les attitudes et personnages caricaturaux, par l’idéalisation des situations et sa douceur généralisée. Hors du temps et des modes par son succès public, chaque titre véhicule pourtant les valeurs de sa propre époque. Classique des lectures enfantines, Martine, à l’égal des plus célèbres personnages de bande dessinée, fait l’objet d’une fresque murale géante à Bruxelles-Laeken. (O. P.)