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Cours, poids, titres

Voyage dans le vocabulaire monétaire
Le changeur
Le changeur

Bibliothèque nationale de France

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Monnaie réelle, monnaie de compte ; marc, denier, billon ou louis : le vocabulaire de la monnaie médiévale est riche et complexe. Il mérite bien quelques éclaircissements...

Monnaie réelle et monnaie de compte

La monnaie réelle

Les monnaies du Moyen Âge ne portent que très exceptionnellement une valeur faciale, c'est-à-dire une valeur inscrite en chiffres ou en toutes lettres. La valeur ou cours de chaque pièce est officiellement et arbitrairement fixée par l'autorité émettrice (roi, seigneur, ville), par ordonnance.

Mais la variation de la valeur de l'or et de l'argent modifie la valeur des pièces auprès des utilisateurs et des professionnels, tels les changeurs, ce qui instaurait un cours parallèle, le « cours marchand » différent du cours officiel, en fonction de la teneur de chaque pièce en métal précieux.

La monnaie de compte

Pour établir des comptes ou libeller des montants dans des contrats, on utilisait des systèmes de compte issus à l'origine d'unités de poids qui avaient parfois été traduites dans des espèces réelles. Ainsi, jusqu'à la fin du 13e siècle on comptait en :

  • sous,
  • deniers (12 deniers = 1 sou),
  • oboles (2 oboles = 1 denier),
  • pites ou pougeoises1 (4 pites = 1 denier).

La livre, sans rapport avec une monnaie réelle, était conçue comme un ensemble, ou plutôt un poids à l'origine, de 20 sous, ou 240 deniers.

La multiplication et la diversification des monnayages à l'époque féodale obligea dès le 10e siècle les textes à préciser par le nom géographique de l'atelier ou de l'autorité quels deniers on utilisait pour acquitter telle transaction : denier de Paris, ou parisis ; denier de Tours ou tournois ; denier de Cahors, ou cahorsin. Les comptes précisent de même en quelle monnaie on les établit.

D'autre part la différence de poids de métal précieux dans la pièce (valeur intrinsèque) entre ces différents deniers établit de fait des rapports d'équivalence, de change entre eux, qui se répercutent ensuite dans les comptes. Par exemple, il était admis que 4 deniers parisis valaient 5 deniers tournois. C'est ainsi aussi que les deniers du Puy et du Poitou, qui valaient le quart d'autres deniers féodaux ou royaux, laissèrent leur nom au quart du denier de compte : pougeoise ou pite.

Enfin ces monnaies subissant des mutations (affaiblissement ou renforcement), les comptables spécifiaient par la suite s'ils calculaient en monnaie « faible » ou en monnaie « forte » ou « nouvelle ».

La multiplication des espèces d'argent et d'or à partir de la seconde moitié du 13e siècle étoffa les systèmes de compte par l'intégration de certaines dénominations de ces espèces, en général des monnaies ayant eu une large et durable diffusion :

  • gros,
  • florin,
  • écu,
  • franc.

Leur valeur comptable variait d'un système à l'autre en fonction de la valeur de la pièce d'origine prise comme référence.

Les unités de poids monétaire

Le marc

Le marc était l'unité de poids correspondant à la masse du lingot ou de la barre d'alliage dans lesquels on découpait ou on taillait les rondelles ou flans des futures pièces de monnaie. Cependant, au Moyen Âge et à l'époque moderne, il exista différents marcs utilisés en Occident. Pour la France, le principal était le marc dit de Paris ou de Troyes, utilisé pour le monnayage royal depuis le 12e siècle.

  • Marc de Paris ou Troyes = 244,752 g

Les subdivisions du marc de Paris ou Troyes étaient :

  • Fierton : 1/4 du marc = 61,18 g
  • Once : 1/8 du marc = 30,59 g
  • Gros : 1/64 du marc = 3,82 g
  • Esterlin : 1/160 du marc = 1,53 g
  • Denier : 1/192 du marc = 1,27 g
  • Ferlin : 1/640 du marc = 0,38 g
  • Grain : 1/4608 du marc = 0,053 g

Dans les documents écrits, le poids d'une monnaie était généralement exprimé en deniers et en grains, 1 denier se subdivisant en 24 grains.

Exemple : le franc à pied

Saulcy, 1879.
Un document du début du 16e siècle, qui donne la valeur de monnaies françaises et étrangères...
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Unités de poids indirectes

Cependant, dans les textes émanant des autorités monétaires, le poids des monnaies est exprimé différemment. En effet, il n'est pas exprimé par la masse d'une monnaie libellée en unités de poids, mais indirectement. Pour l'or, c'était par le nombre de pièces que l'autorité avait décidé de faire fabriquer qu'on allait donc découper ou « tailler » dans le lingot, la barre ou la lame de métal fin ou d'alliage à monnayer qui pesait un marc.
Le poids unitaire était donc déduit de la « taille » au marc, en divisant le poids du marc par le nombre de monnaies à y tailler.

Exemple : la taille au marc

Saulcy, 1879.
L'ordonnance du 20 avril 1365 ordonne que soient fabriqués des « deniers d'or fin aux fleurs de lys...
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Pour l'argent et le billon2, l'expression en était plus indirecte et moins simple à comprendre pour le lecteur actuel. Comme pour l'or, le principe était le nombre de pièces obtenues d'un poids d'un marc, mais ce nombre est exprimé en sous (représentant 12 deniers signifiant ici 12 pièces) et en deniers (pièces), voire éventuellement en oboles.

Exemple : les gros deniers blancs à fleur de lys

Saulcy, 1879
Dans l'ordonnance du 5 décembre 1360 qui créa le franc d'or « à cheval », il était également ordonné...
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Les unités de titre ou d'aloi du système français

L'expression de l'aloi

Le titre ou aloi3 est la proportion de métal précieux ou fin (pur), or ou argent, dans un alliage.

Pour l'or, le titre s'exprime en carat. L'or pur ou fin est à 24 carats. Ce système existe encore de nos jours en orfèvrerie et joaillerie, mais à l'époque contemporaine, les autorités monétaires et les numismates ont tendance à s'exprimer en millièmes pour les monnaies d'or aussi. Ainsi l'or aux trois quarts pur est à 18 carats ou 750 millièmes.

Pour l'argent et le billon, le titre s'exprime en denier. L'argent pur ou fin est à 12 deniers ; un aloi de 3 deniers correspond donc à 250 millièmes ou au quart de fin. Ce choix du terme denier et des 12 deniers pour la pureté vient de la technique d'« essai » du titre d'argent, qui était effectué par fusion d'un poids de métal de 12 deniers.

Les subdivisions de l'aloi

Le « denier de loi » ou d’aloi se subdivise, comme celui de poids, en 24 grains. La moitié d’un denier, ou 12 grains, était appelée obole ou maille, et le quart, ou 6 grains, était appelé poge, pougeoise ou pite, comme pour les subdivisions de la monnaie de compte.

Mais les difficultés techniques de l’affinage du métal argent faisaient laisser aux artisans des impuretés dans l’alliage. C'est pourquoi, à partir du 13e siècle, l’unité de titre de référence dans le royaume de France, « l'argent le roi » – c’est-à-dire « l’argent du roi » –, utilisée pour le monnayage royal, correspondait, pour 12 « deniers de loi argent le roi », soit, en théorie, l'argent fin, à un titre réel de 11 deniers obole, ou 11 deniers et demi, soit 958 millièmes. Ainsi, un titre de 3 deniers argent le roi ne correspondait pas à 250 millièmes d'argent fin, mais en réalité à : (3 : 12) x 958 = 239,5 millièmes.

Exemple : le titre du gros aux fleurs de lis

Saulcy, 1879
Le gros aux fleurs de lis de l'ordonnance du 5 décembre 1360 avait un titre légal de « 4 deniers 12...
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Notes

  1. Ces noms étaient issus des monnaies féodales du Poitou et du Puy.
  2. Argent plus ou moins allié de métal non précieux, du cuivre en général. Selon la proportion, on parlait soit de « bas » ou « mauvais billon » ou encore « billon noir », soit de « bon billon » ou « billon blanc ».
  3. Le terme vient de « la loi », qui signifie ici « l'alliage ».