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Focus

Conventions cartographiques

Lignes de rhumb, échelles de distance et orientation
Carte Pisane
Carte Pisane

Bibliothèque nationale de France

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Le portulan, comme toute carte, est une projection plane de l’espace. Elle nécessite donc repères et conventions pour s’assurer de son exactitude et permettre sa consultation. Trois éléments y sont récurrent : les lignes de rhumb, les échelles de distance et l’orientation vers le nord.

Les lignes de « rhumb »

Le fond des cartes marines est sillonné de lignes appelées « rhumb » qui retracent les directions de la boussole et qui sont un élément essentiel des cartes portulans. Ces lignes se croisent à l’intérieur d’un cercle (ou de deux dans le cas de la carte pisane) qui occupe un maximum d’espace. Sur sa circonférence, qui n’est pas toujours apparente, se trouvent seize points équidistants reliés les uns aux autres par des lignes de rhumb délimitant seize aires de vents de 22° 30’. Pour des raisons de lisibilité qui devinrent des conventions, et afin d’éviter au pilote d’avoir à compter trop de lignes, les huit vents principaux étaient tracés en noir ou brun, les huit demi vent en vert et les seize quarts de vent en rouge.
En se rejoignant, ces lignes composent un ensemble de parallélogrammes, carrés ou rectangulaires. Si les lignes verticales semblent jouer le rôle des méridiens et les horizontales celui des parallèles, elles ne constituent en aucun cas un système de coordonnées graduées qui n’apparaîtra, lui, qu’à la Renaissance. Ce canevas de rhumb portait le nom italien de marteloio, dont l’étymologie serait mar teloio (toile de fond marine), duquel dériva le français marteloire.

Les échelles de distances

La carte portulan est traditionnellement complétée par une échelle des distances. Nous en voyons deux sur la carte pisane, placées en haut et sur la droite, chaque section de l’échelle étant subdivisée dix fois. Au centre de ces mesures, une perforation matérialise l’usage répété du compas à deux branches. Sur la plupart des cartes, les subdivisions vont par cinq et non par dix. L’unité de distance des cartes marines est le mille romain, commode pour donner une image synthétique, mais peu facile à évaluer en mer où l’on comptait plutôt en journées de navigation ou en heures de sablier.

L’orientation

La carte marine se présente donc dès ses débuts comme un document très novateur, pratique, né de l’expérience et destiné à s’enrichir par elle. Elle résulte aussi d’une innovation technique : la détermination du nord (ou du sud) par la boussole. Sans la boussole, en effet, pas de carte marine, car il est indispensable que chaque utilisateur de la carte dispose des mêmes points de référence que celui qui l’a établie.

Pour la première fois au Moyen Âge ces cartes sont orientées vers le nord. Les autres cartes plaçaient toujours, pour des raisons religieuses bien connues, l’est vers le haut, et cette direction, choisie également pour le chevet des églises, donna naissance au verbe « orienter ».

Des repères encore imprécis

Mais la carte portulan supposait de la part de ses usagers un ensemble de connaissances et de calculs indispensables qu’il leur faudra encore développer lorsque la navigation deviendra océanique. Plusieurs inconnues techniques demeurent encore. Tout d’abord distinguer le nord géographique du nord magnétique, qui est encore le seul connu. N’ayant pas, en outre, de projection définie, cette carte établie sur la trame des lignes de rhumb de la rose des vents et avec une unique échelle de distances, n’est qu’un ensemble d’itinéraires côtiers. Le peu d’écartement nord-sud de la Méditerranée (pas plus de 6°) explique enfin que les pilotes n’aient pas cherché à déterminer la latitude, dissuadés également par le manque de précision des instruments existants.

Quant à la longitude, son secret ne sera percé qu’au 18e siècle, ce qui donne à la carte pisane, pratiquement exacte de ce point de vue, un caractère prodigieux et inexplicable. Notons enfin, à côté de la justesse des proportions générales, une déformation insistante des tracés côtiers qui tend à accentuer les îles, les caps et les estuaires. Ce trait restera dominant dans les cartes marines dont le souci n’est pas tant de respecter la vérité de la topographie que de servir d’outil au navigateur en attirant son attention sur les particularités de la côte.