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Focus

Le battant

Champions 98, l'album de la victoire
Champions 98, l'album de la victoire

© FEP / Jean Bibard

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Parfois comparé aux guerriers antiques, le sportif bataille pacifiquement pour la victoire. Son héroïsation repose toutefois autant sur ses exploits que sur leur exploitation médiatique.

Comme les aventuriers, les sportifs se battent. Ils repoussent pour nombre d’entre eux les limites du possible, parfois avec des moyens (dopage, surentraînement) nocifs pour leur santé et leur équilibre. D’ailleurs, le culte de la performance, qui s’applique traditionnellement au monde des affaires et de l’entreprise, s’élargit dans les années 1980 quasiment à l’ensemble de la société. Mais la figure la plus exposée, la plus médiatisée – sur les affiches, sur les écrans, dans les médias – est le sportif. Aucun exploit ne parvient jusqu’au public sans être préparé, mis en scène, commenté à satiété. Le stade est désormais le champ de bataille d’une guerre symbolique, comme l’ont montré les sociologues du sport. Le héros sportif, succédané de guerrier, n’a pas grand-chose à voir avec le héros antique aristocratique. Ce ne sont plus les dieux qui parlent à travers ses exploits, c’est l’individu ordinaire qui accède à la célébrité. Le champ sportif révèle les tensions et les contradictions de nos sociétés. L’individu exhibe sa singularité tout en prétendant ressembler aux masses. Les valeurs méritocratiques et pacifistes mises en avant dans le discours sportif se heurtent souvent à la réalité des inégalités et de la violence, bien que l’affrontement soit théoriquement contraint par l’euphémisme du fair play et d’un code d’honneur sportif non écrit. Le combat se déroule en effet dans un espace et un temps dévolus à cette activité, dans l’étonnant sanctuaire qu’est le stade. Ce lieu moderne de construction épique vise à rendre équivalentes les figures médiatiques et les figures sportives au prix d’un dispositif d’héroïsation coûteux.


Champions 98, l'album de la victoire
Champions 98, l'album de la victoire
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Bibliothèque nationale de France

L’héroïsation du footballeur français Zinedine Zidane repose largement, comme pour le brésilien Pelé, sur la belle action médiatisée et le modèle de réussite sociale… Le sport choisit en effet de réserver « un sort tout particulier à celui ou celle qui repousse les limites et se joue des barrières et des seuils : l’être d’une extrême particularité, l’auteur de l’« incomparable », celui du « jamais vu », brusquement projeté sur une autre scène encore, celle tout imaginaire de l’espace légendaire et héroïsé ». L’une des personnalités préférées des Français, modèle d’intégration, Zidane est mondialement connu et fait rêver. Le voisin d’en face devient un surhomme, qui repousse les limites de la condition humaine, et parfois un homme providentiel. L’image visible et véhiculée du footballeur Zidane, c’est à la fois l’intelligence et la grâce du geste, la figure monumentale et protectrice peinte sur un mur de Marseille, la célébrité altruiste (parrain d’associations qui luttent contre des maladies) et la violence du héros : tirs décisifs, buts meurtriers, selon le vocabulaire des commentateurs, dont plusieurs « têtes » et l’ultime « coup de boule » en finale de la coupe du monde 2006, qui n’efface pas son exceptionnel parcours.