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Extrait

Les ténèbres qui enveloppent les antiquités

Vasari, Les Vies, introduction, 1550

Peut-être ne serait-il pas déraisonnable de penser qu’elle exista encore plus anciennement chez les Toscans, comme l’affirme notre Leon-Battista Alberti. Le merveilleux tombeau de Porsenna à Chiusi ne viendrait-il pas justifier cette opinion ? Il y a peu de temps, n’a-t-on pas déterré, entre les murs du labyrinthe, quelques tuiles en terre cuite, ornées de figures en demi-relief d’un travail si délicat, qu’il est facile de reconnaître que déjà à cette époque l’art était arrivé à l’apogée de la perfection ? Ne voyons-nous pas chaque jour de nombreux fragments de ces vases rouges et noirs d’Arezzo couverts d’admirables figurines, de bas-reliefs et de petits masques qui dénotent, chez les maîtres de cet âge reculé, la plus haute habileté ? Les statues trouvées à Viterbe, au commencement du pontificat d’Alexandre VI, n’annoncent-elles pas que la sculpture était en honneur en Toscane ? On ne saurait dire précisément à quel siècle elles remontent ; mais leur style, le mode des tombeaux et des fabriques, les inscriptions en lettres toscanes, indiquent suffisamment qu’elles sont de toute antiquité et qu’elles appartiennent à un temps où les arts étaient cultivés avec un rare bonheur. Devons-nous fournir des preuves plus convaincantes encore ? De nos jours, c’est-à-dire l’an 1554, n’a-t-on pas rencontré, en creusant les fortifications d’Arezzo, la Chimère en bronze de Bellérophon ? Cette figure, dans le style étrusque, montre que très-anciennement l’art n’avait plus aucun progrès à désirer en Toscane. On présume, car personne n’entend aujourd’hui la langue étrusque, que quelques lettres gravées sur une griffe expriment soit une date, soit le nom du sculpteur ou de la figure. Ce morceau précieux par sa beauté et son antiquité a été placé par le duc Cosme dans la salle des stances neuves de son palais où j’ai peint les actions du pape Léon X. Le seigneur duc possède également plusieurs statues en bronze du même style, qui ont été trouvées dans le même endroit. Quoi qu’il en soit, les ténèbres qui enveloppent les antiquités grecques, éthiopiennes et chaldéennes, aussi bien que les nôtres, ne permettent aux historiens que de se livrer à des conjectures plus ou moins hasardées.

Vasari, Vies des artistes, traduction révisée par Véronique Gerard Powell, Grasset, coll. Les Cahiers Rouges, 2007 [1550]
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