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Extrait

« Un diamant qui brille beaucoup »

Molière, L'Avare, acte III, scène 7

HARPAGON
[…] Je vous prie de m’excuser, ma belle, si je n’ai pas songé à vous donner un peu de collation avant que de partir.

CLÉANTE
J’y ai pourvu, mon père, et j’ai fait apporter ici quelques bassins d’oranges de la Chine, de citrons doux, et de confitures, que j’ai envoyé quérir de votre part.

HARPAGON bas à Valère
Valère !

VALÈRE à Harpagon
Il a perdu le sens.

CLÉANTE
Est-ce que vous trouvez, mon père, que ce ne soit pas assez ? Madame aura la bonté d’excuser cela, s’il lui plaît.

MARIANE
C’est une chose qui n’était pas nécessaire.

CLÉANTE
Avez-vous jamais vu, Madame, un diamant plus vif que celui que vous voyez que mon père a au doigt ?

MARIANE
Il est vrai qu’il brille beaucoup.

CLÉANTE. Il l’ôte du doigt de son père, et le donne à Mariane
Il faut que vous le voyiez de près.

MARIANE
Il est fort beau, sans doute, et jette quantité de feux.

CLÉANTE. Il se met au devant de Mariane, qui le veut rendre
Nenni, Madame, il est en de trop belles mains. C’est un présent que mon père vous a fait.

HARPAGON
Moi ?

CLÉANTE
N’est-il pas vrai, mon père, que vous voulez que Madame le garde pour l’amour de vous ?

HARPAGON à part à son fils
Comment ?

CLÉANTE
Belle demande. Il me fait signe de vous le faire accepter.

MARIANE
Je ne veux point...

CLÉANTE
Vous moquez-vous ? Il n’a garde de le reprendre.

HARPAGON à part.
J’enrage !

MARIANE
Ce serait...

CLÉANTE en empêchant toujours Mariane de rendre la bague
Non, vous dis-je, c’est l’offenser.

MARIANE
De grâce...

CLÉANTE
Point du tout.

HARPAGON à part.
Peste soit...

CLÉANTE
Le voilà qui se scandalise de votre refus.

HARPAGON, bas à son fils
Ah, traître !

CLÉANTE
Vous voyez qu’il se désespère.

HARPAGON bas à son fils, en le menaçant.
Bourreau que tu es !

CLÉANTE
Mon père, ce n’est pas ma faute. Je fais ce que je puis pour l’obliger à la garder, mais elle est obstinée.

HARPAGON bas à son fils, avec emportement.
Pendard !

CLÉANTE
Vous êtes cause, Madame, que mon père me querelle.

HARPAGON bas à son fils, avec les mêmes grimaces
Le coquin !

CLÉANTE
Vous le ferez tomber malade. De grâce, Madame, ne résistez point davantage.

FROSINE
Mon Dieu, que de façons ! Gardez la bague, puisque Monsieur le veut.

MARIANE
Pour ne vous point mettre en colère, je la garde maintenant ; et je prendrai un autre temps pour vous la rendre.

Molière, L'Avare, acte III, scène 7 : Un diamant qui brille beaucoup
Hachette et Cie (Paris), 1901
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